Lianke Yan Servir le peuple Wu Dawang, un brave enfant du peuple qui s'est engagé dans l'armée populaire de Chine pour y faire carrière est appelé à être l'ordonnance du colonel. Pour cela il applique à la lettre les instructions de Mao, "Servir le peuple". Mais voilà, Liu Lian, la belle jeune épouse du colonel qui souffre de l'impuissance du mari a jeté son dévolu sur l'ordonnance. Adieu les beaux principes révolutionnaires, adieu le sacro-saint respect de la hiérarchie militaire, et voilà une passion qui dévore le couple ; bravant tous les interdits, il en arrive même à détruire avec une incroyable sauvagerie tout ce qui fait la mythologie du maoïsme : la pancarte servir le peuple, mais aussi le buste de Mao et comble de l'ignominie l'unique petit livre rouge dudit Mao. Tous ces sacrilèges ne font bien évidemment que renforcer leur ardeur amoureuse dont on se demande comment elle pourra finir ... en tout cas, surtout pas comme on pourrait s'y attendre ... Au début, on redoute le pire, genre littérature de hall de gare ; mais derrière une apparence de légèreté, apparaît très vite toute une satire assez féroce de la société communiste chinoise : évidente certes par la destruction des symboles du maoïsme ; mais évidente aussi par l'énoncé des motivations qui ont poussé l'ordonnance à rentrer dans l'armée, motivations identiques qu'on retrouvera chez d'autres militaires et officiers : se faire une place au soleil dans cette société triste et uniformisée que veut instaurer le maoïsme. Analyse exagérée ? pas si sûr, et à ce niveau très significative est la comparaison entre deux femmes : Beauté, l'épouse de l'ordonnance qui n'accepte de se donner à lui que s'il obtient des honneurs et des récompenses qui la fasse sortir de son trou, et à l'opposé la jeune femme du colonel prête à bousculer toutes les convenances pourvu qu'elle puisse satisfaire son appétit de vivre et de jouissance, et ici ce n'est plus Eros contre Thanatos, mais bien Eros contre la soumission à l'idéologie. Et pour mieux faire passer cette satire, rien de tel que l'humour, et il faut bien dire qu'en la matière Yan se révèle excellent ; la façon, par exemple, dont l'ordonnance essaye de résister à la femme du colonel et ensuite comment il cède, sont d'un jubilatoire ... ou encore l'air faussement détaché de celui qui raconte une pièce de théâtre, symbole s'il en est de la dérision que l'auteur apporte à la société que veut fabriquer le marxisme-léninisme. On ne s'étonnera pas que ce livre se soit attiré les foudres de la censure communiste !
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