Wilfrief N’Sondé : Le silence des esprits
Clovis, un africain, clandestin exilé à Paris, croise par pur hasard le chemin de Christelle, aide-soignante. Un grand amour commence à naître.
Il lui raconte sa vie, sa jeunesse et sa sœur jumelle Marcelline, puis le chaos politique de son pays, et comment il en est arrivé à s’exiler.
Mais le sort, encore lui, empêchera que perdure cet amour.
Raconté ainsi et, j’en ai bien conscience, de façon gauche, ce roman peut paraître d’une insupportable fadaise. Pourtant, quelle force !
La force des souvenirs, de ces moments tellement difficiles à définir : l’union entre les deux jumeaux, physique, émotionnelle, spirituelle, on arrive à la percevoir quelles que soient les circonstances, douloureuses lorsque leur grand’mère passe son temps à les houspiller et à les maltraiter, ou au contraire d’une émouvante tendresse lorsque les deux enfants se retrouvent enfin seuls dans la nuit.
Union qui se manifeste aussi dans la séparation : c’est un véritable tour de force que réussit là N’Sondé ; isolé à Paris, Clovis retrouve par la simple pensée sa sœur, et cela nous le vivons comme dans un rêve, un peu comme si nous étions à la place de Clovis lui-même.
Toute cette histoire est servie par un style à l’ étonnante puissance ; le merveilleux côtoie le vulgaire le plus sordide, et l’irréel le plus touchant l’atrocité du quotidien. L’évocation de cette Afrique en proie à tous les drames baigne dans une atmosphère où le lyrisme affronte la révolte, et où la révolte ne s’accommode plus des seuls mots. Cette Afrique nous parle bien plus et surtout bien mieux que toutes les relations d’explorateurs ou reportages de journalistes, car l’auteur sait faire résonner en nous cette fibre humaine, cette « chose » indéfinissable qui unit (ou devrait unir !) tous les humains. Le tout dans magnifique confrontation entre épopée et réalisme.
Et l’on retrouve cette même atmosphère dans cette relation, brève, trop brève, mais pouvait-il en être autrement, entre Christelle et Clovis : atmosphère pleine d’espoir et d’émerveillement de ces deux êtres qui découvrent ce qui leur a tant marqué, l’amour dans son expression la plus simple ; un rêve qui balaye d’un coup de baguette magique toutes les contingences. Mais cette atmosphère est aussi chargée de peur et d’angoisses devant cet inconnu trop beau pour être vrai. Et quand le drame final, inéluctable, arrive la révolte contre le sort ne sert plus à rien, et la simplicité du style comme sa surprenante pudeur est là pour nous rappeler que la vie de tous les jours c’est loin d’être ces histoires à l’eau de rose distillées à profusion dans nombre de médias.
J’avais lu, l’année dernière, le précédent roman de N’Sondé, « Le cœur des enfants léopards », et j’avais été fortement impressionné par la qualité de cet écrivain. J’attendais son second roman non sans une certaine impatience, et il m’a comblé au-delà de toutes mes espérances.
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