Kenneth Bernard : Extraits des archives du district
Etrange existence que celle de ce narrateur, dont la ville est assez fantomatique, quant à ses concitoyens ils vivent dans une espèce d’univers qui a très peu à voir avec le notre, même si il y a un bureau de poste et un petit supermarché.
Morbide ? Le mot est sans doute fort, mais comment qualifier cette atmosphère où une femme d’un certain âge déjà se fait plus que chahuter par un jeune délinquant ?
Comment définir ce monde où les clubs d’enterrement ont, si l’on ose dire, la belle part ?
Il y a dans toutes les interrogations du narrateur – ses interrogations comme père de famille, ses réactions quand il redécouvre l‘amour, ou encore les inquiétudes qu’il manifeste à participer à un semblant de vie collective – comme un rappel de Ionesco ou de Becket ; l’absurde, non pas le criant, celui qui choque tant il est gros, mais bien celui qui est latent et qui résulte de l’impossibilité de relier entre eux deux faits pourtant totalement anodins.
Il faut passer le cap des premières pages, oser se plonger dans ce monde, pour commencer à en goûter l’esprit.
Certes, nous sommes dans le domaine de l’individualisme poussé à son extrême, même si, en tant que secrétaire du comité, ce narrateur devrait avoir un embryon de vie sociale ; individualisme raisonné, celui qui ne se contente pas d’arriver des simples tripes, mais qui est aussi le résultat d’une introspection qui n’en finit pas.
Je m’en voudrais de crier au chef d’œuvre, ou alors innombrables seraient les titres qui pourraient prétendre à ce statut. Mais la démarche m’intéresse, parce qu’elle oblige l’auteur à faire preuve d’une imagination très particulière ; il ne s’agit pas de créer de nouvelles situations, d’ inventer de nouvelles scène fantastiques ou pleines d’aventures, non l’aventure, si elle existe est en chacun de nous, et il suffit de regarder en soi pour pouvoir la faire surgir en nous.
Exercice difficile, mais pourtant bien réussi !
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