Gérard Davet – Fabrice Lhomme : Sarko m’a tuer
Il fallait s’y prendre de bonne heure pour se procurer ce livre dont la rumeur au parfum de scandales a épuisé la première impression en une petite journée. La chance m’a souri et après une journée à le chercher, j’ai enfin réussi à le dénicher.
La première des choses dont il faut s’assurer c’est de la véracité des témoignages rapportés ; et en ce sens, le fait que tous les acteurs (et actrices) de la vie politique, judiciaire, administrative ou médiatique, interrogés aient demandé à relire leurs interviews et déclarations, avant de donner leur blanc seing, est déjà le gage incontestable que les faits cités par eux sont incontestables ; ils ne prendraient pas le risque d’un procès qui les éliminerait définitivement de la vie publique, alors que pour certains, ils en ont encore tellement à attendre. Le pouvoir ne s’y est pas trompé et instructif à cet égard le fait qu’il n’a rien entrepris de façon concrète en dehors de dénégations fracassantes seulement verbales et non étayées !
La deuxième chose tout aussi intéressante est bien aussi ce simple fait que tous les acteurs (actrices) interrogés ne sont absolument pas des hommes politiques de l’opposition de gauche, non : il s’agit soit de juges qui ont voulu seulement exercer leur métier comme il faut, soit de hauts fonctionnaires, préfets ou policiers qui ont tenté de faire au mieux leur métier, mais qui n’ont pas donné satisfaction au tyran de la maison France, soit encore et surtout des politiques de droite, des compagnons de Sarkozy qui ont eu seulement l’heur de lui déplaire parce qu’ils ne voulaient pas marcher dans ses combines.
Enfin la troisième chose tout aussi passionnante, c’est que tous les faits cités, ce sont des faits réels dont la presse s’est largement fait écho : soit de façon partisane, soit au contraire de façon critique.
Quoi qu’il en soit, ce livre est un véritable brûlot !
Car jamais tout ce qu’a fait l’actuel locataire de l’Elysée pour occuper la fonction présidentielle, n’a jamais été analysé avec autant de minutie, d’impartialité. Et cela donne vraiment froid dans le dos : voir à quelles extrémités un être humain est capable d’arriver pour avoir le pouvoir, tout le pouvoir ! Cette haine farouche pour tous ceux qui voudront s’opposer à ses desseins, cette façon d’utiliser de façon tout à fait illégale les services de l’Etat pour se venger de ses ennemis, les réduire au silence, les empêcher d’agir, et d’une certaine façon les tuer ! Avec ses déclarations affirmées qui « quiconque n’est pas pour moi est contre moi », justifiant alors toutes les foudres dont il est capable, n’hésitant pas à bafouer les lois, et à bannir de son comportement le moindre sentiment humain.
Bien sûr, au cœur de toutes ces interviews, il y a deux ou trois grandes affaires : une en voie de conclusion, l’affaire Clearstream, mais surtout deux autres : une qui commence à sentir vraiment le souffre pour Nicolas Sarkozy, l’Affaire Bettencourt, les pages consacrées à la juge Isabelle Prévost-Deprez sont sans doute parmi les plus poignantes de ce livre : elle sait qu’elle n’a plus rien à perdre, sa carrière est définitivement bloquée, non si elle se livre, et si elle donne de si précieuses informations, c’est bien parce que tout en elle, comme chez l’autre juge Renaud Van Ruymbeke, ne peut que l’opposer au prince qui nous gouverne : la loi doit s’appliquer à tous les citoyens quels qu’ils soient, et ce n’est pas parce qu’on serait le premier d’entre eux qu’on ne devrait pas subir les rigueurs de la loi quand on la transgresse. Et en matière d’inspection financière la juge découvre des choses qui heurtent son sens moral, et qui mettent vraiment à mal l’image (déjà tellement écornée de Nicolas Sarkozy). Alors elle a franchi le pas, quitte à se mettre à dos toute la hiérarchie, quitte à voir son ménage se briser, quitte même à se savoir menacée dans son intégrité physique … mais le sens moral a des exigences tellement impératives surtout lorsque ceux qui nous gouvernent en sont complètement dépourvus.
L’autre affaire est en train de se révéler, et elle n’est vraiment pas belle : c’est l’affaire Karachi ! Chaque jour on en apprend un peu plus, et le peu qui en est dit laisse déjà apparaître quelque chose de scandaleusement ignoble.
Et ce n’est pas la fantaisie, la folie ou la paranoïa d’un seul, mais bien de 27 personnes interrogées qui, toutes, on vu leur carrière, leur avenir ou même leur situation professionnelle, bloquée, parce qu’ils ont eu l’audace de s’opposer à Nicolas Sarkozy. Il faut lire leurs phrases assassines et les opinions sur l’homme et le politique Nicolas Sarkozy : elles sidèrent par tout ce qu’elles révèlent !
Oui, il s’agit bien d’un brûlot anti-sarkozyste !
Et il met vraiment à nu Nicolas Sarkozy, l’homme et le politique, sur la base de faits indéniables. Mais cela ne devrait pas suffire au citoyen responsable que chacun d’entre nous devrait être ! Cela devrait pourtant suffire pour que, la réflexion aidant, on retire toute confiance au candidat Nicolas Sarkozy pour un second mandat à l’Elysée, alors qu’il était déjà complètement indigne d’en effecteur le premier !
Non la lecture de ce livre devrait avoir aussi un autre mérite : nous faire réfléchir sur ce que l’appétit de pouvoir est capable de faire faire à l’homme, et au politique en particulier ; et nous montrer par l’attitude de quelques magistrats et hauts fonctionnaires qui se sont opposés à Sarkozy, qu’il y va de l’intérêt de l’Etat que soit assuré complètement le rôle d’un garde fou essentiel tel que devraient être la Justice ou la Haute Administration.
Et ultime mérite, celui de nous faire réfléchir sur le pouvoir : ce qu’est sa nature, son emprise sur l’homme, sur tout ce qu’il fait faire, autorise au-delà du légal ; cette réflexion devrait conduire le citoyen lambda à être toujours plus exigeant vis-à-vis des politiques, ne pas se contenter de leurs déclarations cajoleuses et lénifiantes, mais bien de passer au crible toutes leurs actions afin de n’accorder de crédit qu’à ceux dont l’intégrité est réelle et sans contestation possible.
Utopie ? Pas si sûr, car de plus en plus nombreux sont ceux qui, dans l’ombre ou non, oeuvrent pour que le politique ne soit plus synonyme de magouilles, de combines louches, de pots de vins, de trafic d’influence etc…etc…
Et il va sans dire que, je ferai à l’occasion des fêtes de fin d’année, de ce livre un cadeau idéal, comme je l’ai déjà fait pour certaines « Chroniques du règne de Nicolas 1er » de Patrick Rambaud.
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