Ludmila Oulitskaïa : Mensonges de femmes
La littérature, quelle autre leçon d’humilité ! Celui qui prétendrait la connaître commettrait ce même pêché d’orgueil que cet enfant qui, selon cet auteur bien connu, prétendait vider la mer avec son seau !
Parfois me prend un vertigineux tourbillon lorsque je réalise l’immensité de la production littéraire mondiale, et la toute petite et infime partie que je peux en connaître, non par manque de désir de ma part, mais tout simplement parce qu’il me faudrait un temps infiniment plus long que celui qui m’est imparti.
Et certains auteurs sont là pour me le rappeler ; oh, ils n’y sont pour rien !
Tenez, prenez Ludmila Oulitskaïa : j’en ignorais totalement l’existence, et sans doute ne suis-je pas le seul (bien maigre consolation !), c’est donc peut-être pour cela que d’éminentes bibliothécaires ont mis bien en évidence un de ces romans sur un des présentoirs, et de telle façon qu’il était impossible de passer sans en voir la couverture.
On a tendance à faire la fine bouche devant la littérature dite étrangère au prétexte que la notre est tellement plus riche (je reconnais bien là un certain chauvinisme !) que les autres, et là une moue significative d’un certain dédain ! Dieu, quelle erreur grossière ! Même dans les pays pour lesquels on ne se sent guère d’affinités, il y a une littérature capable de vous enthousiasmer, et qu’il est absolument impératif de connaître, non par simple étalage de culture, mais seulement par tout cet enrichissement qu’elle peut vous apporter.
La littérature russe en fait partie, et même dans l’intermède soviétique, il s’est trouvé d’immenses talents.
Il paraît donc que Ludmila Oulitskaïa fait partie des écrivains les plus représentatifs de sa génération. C’est possible, n’ayant que très peu lu de cette nouvelle génération, je ne saurais me prononcer dans cette comparaison, par contre, après avoir lu « Mensonges de femmes » je suis sûr qu’il s’agit là d’un réel écrivain.
Pourtant le sujet est facile : opposer dans un avant-propos l’opposition entre le mensonge des hommes et celui de la femme, est d’un féminisme à la fois de mauvaise foi et outrecuidant, et laisse quelque peu perplexe ! Mais réussir à intégrer cette donnée dans un roman et à en faire le ressort principal, alors là c’est une autre affaire ; et elle s’en sort fort bien, puisqu’elle est capable de captiver le lecteur jusqu’à la dernière page … ce qui est quand même le but ultime (pas toujours atteint, hélas !) de chaque romancier.
Il s’agit donc de quelques épisodes de la vie d’une femme russe, trilingue, qui se trouve confrontée à quelques femmes qui sont capables de manier tellement bien le mensonge que tout le monde, y compris elles-mêmes, croit en leurs affabulations.
Bien sûr on est au cœur d’une société essentiellement féminine, mais pas seulement ; ou plus exactement au contraire d’un féminisme qui serait fanatisé, ces rapports entre femmes trouvent toutes leurs implications et leurs justifications aussi dans le reste de la société ; les maris, les légitimes ou non, les enfants, le travail et même la vie quotidienne prennent de l’importance parce qu’ils déterminent aussi les actes, les pensées et les mensonges desdites femmes.
Et dans ces situations inventées, la cocasserie sait trouver sa place, et c’est en particulier cet épisode où notre héroïne va enquêter sur les prostituées russes en Suisse … s’opère en vous alors un déclic, cette réalité inventée par notre auteure russe, n’existe-t-elle pas chez nous ? ici même en France, et pourquoi pas à Rennes ? N’êtes-vous donc jamais tombé sur certaines petites annonces de journaux gratuits où de jeunes et jolies (cela va sans dire !) femmes russes recherchent une âme sœur ? Et que se cache-t-il derrière ces petites annonces ? La même chose que ce que décrit Ludmila Oulitskaïa ? Cette relation m’intéresse en tant que liaison entre la réalité et la fiction, et que cette seconde ne saurait exister si la première n’est pas ; c’est sans doute une banalité que de l’affirmer. Mais c’est cependant là où l’art de l’écriture peut prouver qu’il existe ou non : retranscrire purement et bêtement la réalité serait mortellement ennuyeux, alors que réussir à la transposer dans un monde imaginaire et totalement inventé, tout en lui gardant ses principales caractéristiques, devient une œuvre … n’est-ce pas aussi ce qui fait la différence entre pornographie et érotisme ?
J’ai donc beaucoup apprécié cette auteure russe, malgré une fin de roman qui m’a semblé un peu longuette parce que s’échappant de thème qu’elle s’était proposé. Quoi qu’il en soit, je compte bien, dès que le temps me le permettra, faire plus ample connaissance de cette romancière.
Je ne regrette pas d'avoir perdu 10 minutes à lire quelques uns de vos articles. Ce dernier est particulièrement bon. C'est super de partager cela. Merci à vous de partager vos idées et votre vision avec les autres, il semble qu'on ait pas mal d'atomes crochus :-) et j'aime ça. Je reviendrai. Au plaisir de vous lire.
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Rédigé par : femmes russes | 23 janvier 2012 à 09:38