La bonne santé musicale des Ecoles de Musique
Rien de tel qu’une audition d’élèves, même si accompagnés par des professeurs, pour juger du dynamisme et de la réalité des activités d’une Ecole de musique.
Et la preuve nous en a été fournie avec brio lors des deux auditions que l’Ecole de musique de Saint-Grégoire, associant pour la circonstance celles de Betton et de Bourg l’Evêque a proposées les 1er et 4 février.
Certes, si vous y allez avec cette idée (aussi stupide qu’irréaliste !) que vous allez entendre des petits génies qui vous feront frémir de plaisir autant que les plus grands solistes, alors, abstenez-vous et renfermez-vous dans votre petit égoïsme à déguster en solitaire vos CD préférés.
Il est évident que les élèves ne peuvent avoir déjà (ou alors leur présence en école de musique ne signifierait plus rien !) toutes les qualités et la perfection des plus grands, mais ce qui importe c’est ce qu’ils sont capables de vous montrer et de vous faire percevoir ; ce petit gamin qui tente d’apprivoiser le clavier d’un clavecin et qui est déjà à même de vous intéresser par sa présence, ou encore ces jeunes adolescents qui vous donnent une autre vision d’une pièce de la suite en si mineur de J.S. Bach, malgré les erreurs qu’ils ont pu commettre (mais pourquoi messieurs les puristes voulez-vous qu’ils n’en fissent pas ? n’avons-nous pas d’exemple où même les plus grands interprètes sont capables de faire d’invraisemblables fautes que même un débutant saurait éviter ?) sont pour moi prometteurs pour tout ce qu’ils montrent en toute simplicité :
- d’abord cette ténacité qu’il faut pour s’approprier un instrument, quel qu’il soit (il n’y en a pas de plus facile qu’un autre, balayons une bonne fois pour toutes ce préjugé !) ; ténacité et courage car tout apprentissage en nécessite, et très souvent il faut surmonter le découragement ; c’est sans doute aller à contre-courant par rapport à notre temps où la facilité exige zapping et surtout non approfondissement (trop fatigant !!!) !
- ensuite, ils me plaisent ces jeunes, car le plaisir qu’ils manifestent à l’évidence, sera aussi celui qu’ils auront, adultes ; et en plus fort encore, car leur maîtrise de l’instrument s’affirmant de plus en plus, ils auront alors la possibilité et la joie d’aborder avec des exigences encore bien plus grandes les rivages encore exaltants de la musique … et n’est-il pas le plus appréciable ce plaisir comme aboutissement de multiples efforts ?
- Intéressant enfin de montrer que la musique n’est pas seulement un plaisir individuel, même si cela rentre pour une grande part dans l’apprentissage même de l’instrument, mais qu’elle est aussi une pratique sociale et socialisante : former un groupe et lui permettre de s’affirmer comme passeur d’une œuvre c’est faire progresser toute la société, car il ne saurait y avoir de société si elle n’est qu’une somme d’individus, ou une juxtaposition d’êtres qui ne vivent que pour eux ! Je n’en voudrais que comme preuve ce mouvement d’un concerto de Vivaldi joué par un ensemble de jeunes, certes sous la direction de leur professeur.
S’il y avait donc des lieux où donner des leçons de vie personnelle et sociale, l’école de musique, telle qu’elle a pu apparaître dans ces deux auditions, en serait un par excellence.
Mais il y a plus encore !
Il fallait écouter tous ces adultes qui eux-aussi en toute simplicité se sont produits ; ils ne se prennent pas la tête, mais ils présentent que ce qu’ils savent faire … et bien ; toutes les qualités qu’on peut demander à des amateurs étaient là : c’était propre, bien place, et même s’il y a pu avoir çà et là quelques petites erreurs, elles ont été immédiatement corrigées, et en tout cas n’ont en rien entravé la suite du morceau ; comment l’auditeur aurait pu ne pas apprécier ? Que ce soit en petites formations comme dans la Folia de Schikhardt, ou en ensemble plus étoffé, comme dans la Deuxième suite de Water Music de Haendel, apparaissent alors toutes les qualités que la pratique de la musique développée dans certaines écoles de musique peut apporter : rigueur, discipline, contrôle de soi, certes, mais aussi émotions, plaisirs, le sien propre comme celui, encore bien plus fort, de partager avec d’autres la beauté d’une œuvre.
Cerise sur le gâteau lors de ces deux auditions : l’intervention de personnes étrangères à ces écoles de musique, mais dont la présence n’est due qu’à ce tissu ou ces réseaux que savent tisser entre eux de nombreux musiciens tant professionnels qu’amateurs.
Le 1er février ce fut l’interprétation d’une cantate de Buxtehude (1) ; et là comme pour beaucoup d’autres œuvres, il faut admirer l’intelligence des professeurs qui ont présidé à la réalisation de ces deux auditions : il n’y a rien de plus terrible qu’un son unique de flûtes à bec, mais mélangez-le au clavecin et/ou avec quelques cordes et miracle de la musique, la mayonnaise a tellement bien pris que cette cantate de Buxtehude fut un délice pour nos oreilles ; ajoutez la présence d’un chœur magistralement dirigé, et de trois solistes, dignes de professionnels … et vous comprendrez mon enthousiasme !
Comme celui que j’ai eu le 4 février avec l’intervention de la Saltarelle !
Ah avec quel dédain certains professionnels évoquent ces amateurs qui osent se produire ! mais si vous ne donnez pas l’occasion à ces mêmes amateurs de se produire, comment-voulez-vous qu’ils progressent, car le but final est bien de faire apprécier à d’autres son travail et de faire encore une fois partager à d’autres ses émotions. Or la Saltarelle, je m’en souviens, il y a quelques années, je n’aurais pas parié un kopeck sur eux, tant j’avais l’impression que cet ensemble de danse était arrivé à son maximum, c’est-à-dire peu de choses …eh puis, au fur du temps, de la persévérance et d’un travail rigoureux, les progrès sont apparus, et j’avoue qu’ils sont arrivés à un certain niveau que je n’aurais absolument pas soupçonné ; c’est dire le plaisir que j’ai eu ce 4 février à les voir ; plaisir d’autant plus grand qu’il y a eu conjonction entre les danseurs et les musiciens qui ont interprété in vivo les pièces sur lesquels ils ont exécuté figures et autres pas imposés.
Transversalité, mot à la mode, de deux disciplines, musique et danse, il y a vraiment matière à réflexion et avoir seulement permis de l’envisager est aussi un des mérites de cette deuxième audition !
Je ne sais pas s’il y avait dans la salle des responsables politiques des communes dont dépendent ces écoles de musique. S’ils y étaient, j’espère alors qu’ils auront pris la mesure de l’impact civique et social de la musique et surtout des efforts faits dans ce sens par ces écoles. Il serait juste que, une fois que l’Etat aura repris à sa charge ce qu’il a fort injustement confié aux collectivités territoriales, ces mêmes collectivités réinvestissent dans leurs écoles de musique pour qu’elles puissent non seulement survivre mais amplifier ces actions remarquables qu’elles ont initiées et dont nous avons vu les premiers fruits lors de ces deux auditions.
(1) Comme pour tous les auteurs que j’ai cités, comme je n’ai pas le courage de vous donner ni les dates ni, encore moins, des données biographiques, je vous laisse à vos histoires de la musique, que je suis sûr que vous possédez dans votre bibliothèque … comme tous les Français !!!
PS Il est évident que ce que je viens d’écrire n’est pas spécifique aux deux seules écoles de musique citées, et que l’on trouvera par la force des choses beaucoup d’autres exemples en France ! Qu’on me pardonne de ne pas les avoir citées, mais je n’ai parlé que de ce que je connais … et encore si mal !!!
Oui, oui, oui, j'adhère à ces propos!!!!!
Rédigé par : Coralie Brunot, artiste, professeur de chant | 06 février 2012 à 10:24