La Sultane
Mille fois béni le hasard qui m’a fait découvrir Jean-François Marmontel et Vincent Tavernier qui a mis en musique son conte Soliman II !
Et comme l’Opéra de Rennes a été bien avisé de nous en offrir (moyennant espèces sonnantes et trébuchantes !) la représentation.
La trame en est tout ce qu’il y a de plus simple : Soliman fait venir dans son harem trois esclaves européennes ; la première le fascinera, mais il s’en lassera au profit de la seconde, une chanteuse dont la voix est aussi belle que le corps ; mais d’elle aussi il se fatiguera car … on le devine alors, survient Roxelane.
Histoire amoureuse tellement classique, mais racontée avec une telle finesse qu’on en boit presque chaque parole ! on se délecte de cette prose dont chaque pointe est amenée avec art ; tout l’esprit du 18e siècle, fait de badinage et de sous-entendus amoureux, est là, chatoyant ! Et quand il est dit avec le talent et le naturel d’un Vincent Tavernier, alors on a l’impression de voir revivre sous nos yeux toutes ces conversations galantes qui ont fait les grandes heures des salons du 18e siècle.
Texte essentiel, certes, mais aussi et sans doute surtout prétexte à tout un discours musical qui fut en totale harmonie avec lui. Les compositeurs convoqués à ce parcours, des grands connus comme Rameau, Lully, Glück, d es moins connus mais tout aussi grands, comme Caccini ou Dornel, et d’autres encore dont je ne sais si j’avais entendu la moindre note, mais qui pourtant sont tout autant séduisants, comme Melle Guesdon de Prêles ou Mouret.
Harmonie non seulement par l’époque, Caccini correspondant peu ou prou à la période de Roxelane, et Rameau à quelques années près à celle de Marmontel.
Mais aussi et surtout harmonie de style et d’esprit. Et là les musiciens des « Menus plaisirs » ont fait merveille. Placé comme je l’étais, j’ai eu la chance de voir ce que j’entendais ! Ils sont jeunes, ces interprètes,(le benjamin d’entre eux, sans nul doute, Thomas Dunford dont on déjà pu admirer le talent en compagnie de ses parents, n’ayant guère plus de 25 ans), mais quel talent ! Non seulement ils vivent la musique individuellement, le solo de traverso en a été la preuve par excellence, mais en plus ils forment un seul corps homogène : chaque membre à l’écoute des autres et réagissant naturellement aux sollicitations des autres. La virtuosité, car il y en a eu des passages périlleux, devient alors pure musique et aussi nécessaire que les parties les plus dépouillées. Il fallait voir comme chacun se préparait à ses interventions, comme il préparait son instrument et comment il rentrait dans le monde sonore que lui offraient ses compagnons. Et même si, par quelques gestes infimes, très souvent de simples regards, le flûtiste assumait la position de chef, cela n’avait rien à voir avec la posture traditionnelle d’un chef classique.
Alors comment résister à cette musique ?
Surtout avec la soprano Marie-Louise Duthoit ! il paraît qu’elle est professeur de chant à Toulon : qu’ils ont donc de la chance ses élèves d’avoir une telle enseignante. Car dans le chant, comme dans les parties instrumentales, cette musique des 17e et 18e siècles est particulièrement complexe, avec en particulier toutes ces ornementations qui varient aussi en fonction des compositeurs, et qui, dans le chant, difficulté suprême, doivent parfaitement correspondre avec un texte qui déjà, ne nous est plus familier.
Ah oui vraiment quelle voix et au service de quelle musique !
Je ne vais malheureusement pas aussi souvent que je le voudrais à l’Opéra, les retraités ont tellement d’occupations !, mais j’avoue que cette soirée, imprévue, je la marque d’une pierre blanche …
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