L’Opéra de Rennes donnait donc hier la première des « Nozze di Figaro » de Mozart.
C’est une trop belle œuvre pour la rater. Faut-il en rappeler la trame ? N’avons-nous pas encore présent à l’esprit la comédie de Beaumarchais « Le mariage de Figaro » ? Après avoir aidé dans « le barbier de Séville » le comte à trouver l’âme sœur, c’est maintenant au tour de Figaro d’épouser celle qu’il aime, cette Suzanne … sur laquelle le comte semble aussi avoir des visées ! Tout l’art consistera donc à déjouer les plans du comte en utilisant l’astuce de Figaro et les ruses féminines, de sort que ce sera le triomphe de l’amour ! Da Ponte, qu’on a trop souvent décrié, tirera de cette comédie un livret dont Mozart se servira pour écrire son opéra.
Je n’ai malheureusement pas pu avoir les places que je souhaitais et ai du me contenter d’une place de derrière dans les loges. Je ne voyais pas le prompteur, mais qu’importe, connaissant suffisamment le livret et aussi l’Italien, je devais donc pouvoir m’en passer aisément et ainsi me consacrer totalement à l’opéra lui-même.
Mais las, est-ce dû seulement à ma place ? en tout cas très souvent les voix m’ont semblé trop « couvertes » par l’orchestre, non seulement je ne les entendais plus, mais pire, je ne pouvais même pas goûter les saveurs du texte.
Puisque qu’on en est aux reproches, j’avoue que je ne comprends pas ce besoin de changer les décors, de vouloir à tout prix faire du neuf ; est-il donc vraiment nécessaire pour la compréhension actuelle de cet opéra qu’on l’enferme dans un décor années 1930 (étrangement dans l’exposition consacrée au Rennes d’autrefois et qui se trouve dans le Carré de l’Opéra, on retrouve presque à l’identique la cuisine – pardon l’office- du premier acte !) ? Sans compter tous ces détails qu’on a voulu y mettre et qui nuisent gravement me semble-t-il à l’esprit même de l’œuvre : fils électriques qui courent ostensiblement le long des parois, ou encore radiateurs en fonte … où sont donc ces admirables poêles autrichiens en faïence, qui ornent tant de demeures princières et bourgeoises ? Heureusement les décors des 2e et 3ème actes font illusion et rachètent, en partie, la très désagréable impression que m’a laissée celui du 1er acte. Quant au décor du dernier acte, j’ai bien aimé son aspect en clair obscur, la symbolique de l’escalier, même si les cageots de bois faisaient misérabilistes et plus propres à un décor d’opéra vériste !
Regret ? Certes, car j’aurais aimé qu’il y ait une totale unité entre la musique et sa projection sur scène.
Mais comment ne pas reconnaître les qualités musicales de ce qui nous a été présenté hier ?
L’orchestre qui a su si bien mettre en évidence tout ce qui fait le génie de Mozart : légèreté, gravité, et toutes leurs nuances ! la maîtrise de l’orchestre nous est donnée dès l’ouverture : c’est qu’elle n’est pas facile, car, sous des dehors presque badins, c’est elle qui en fait va conditionner tout le climat de l’opéra. Et trouver ce juste milieu n’est pas une mince affaire, alors saluons le remarquable travail réalisé par l’orchestre et son chef. Séduits par elle, on attendra ensuite tous les moments phares de cette partition… à commencer par nombre de ces solos : leur élégance est tellement inhérente à Mozart ! et la flûte, la clarinette, pour ne citer qu’elles seront à la hauteur de nos espérances. De même qu’on aura apprécié le rôle du clavecin ; le mettait en relier la place qu’on lui avait assignée, au niveau de la scène – pour être en contact direct avec les chanteurs – et dans l’emplacement d’une loge.
Et puis ces airs !
On se régale, et en premier lieu avec la comtesse (la seule d’où j’étais placé qui n’a jamais été couverte par l’orchestre et dont j’ai pu entendre la totalité) : quelle magnifique voix ! Comment ne pas se laisser subjuguer par elle quand elle chante au second acte « Porgi amor qualche ristoro » ou encore au troisième « dove sono i bei momenti ». Somptueuse, pleine d’inflexions, elle sait faire passer en musique tous ces sentiments qui animent le cœur.
Impressionnantes aussi les voix du comte et de Figaro ! très beaux timbres dont ne pourront nous distraire des effets ridicules et anachroniques, comme vouloir allumer une cigarette, par exemple, tout en chantant ! Il est vrai que ces deux personnages sont d’une telle richesse, qu’il doit être difficile, voire impossible pour un chanteur de ne pas se laisser porter par elle.
Très belles voix aussi celle de Suzanne et de Chérubin.
Suzanne, même si elle m’a semblé quelque peu timide, sonnait d’une étonnante justesse, et était en totale harmonie avec son personnage. Amoureuse quand il le faut, enjouée quand c’est nécessaire, et diablement rouée quand c’est indispensable.
J’ai été très déçu par Chérubin, non par la qualité de sa voix (elle a interprété ce « Voi che sapete » avec une étonnante musicalité), mais par la façon dont on lui a fait jouer ce rôle.
Dans l’ensemble toutes les voix (y compris le chœur avec une simplicité, naturel, particulièrement rafraîchissants) sont à la hauteur de l’œuvre, ce qui contribue à rendre la partie musicale de l’opéra d’une homogénéité bien plus qu’honorable.
L’Opéra de Rennes, dans cette réalisation musicale, a signé là un grand moment ; tous les amoureux de l’opéra devraient s’y retrouver en souhaitant qu’un tel travail ait bien plus de prolongement pour le plus grand bien de la musique en général et de Mozart en particulier.
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