Julia Deck : Viviane Elisabeth Fauville
Un interlocuteur, sans nom ni la moindre description, interpelle une jeune femme, Viviane Elisabeth Fauville, épouse Hermant, et raconte ce qu’elle fait ; son mari l’a quittée, elle a un bébé, et elle assassine son psychanalyste. Dès lors tous les évènements s’enchaînent, suspicion et interrogatoires policiers, mais aussi sur les proches de la victime, sur d’autres témoins ou autres potentiels assassins… jusqu’au dénouement final.
Déroutant, ce roman.
Il fallait inventer une pareille situation qui ne doit pas se rencontrer souvent (encore que je n’en sais trop rien, n’étant pas familier de la presse, genre Détective, qui relate à loisir tous ces faits divers plus ou moins abominables !).
Déroutant par ce style, souvent froid, tranchant comme l’arme du crime, et qui met mal à l’aise le lecteur tant il réussit à disséquer les êtres, tous les êtres qui tournent autour de cette aventure. Froid ? Voire, car il y a quelques passages complètement déments, en particulier celui où Viviane, pour mieux connaître l’un des suspects, va se livrer complètement à lui …
Déroutant encore, car tout semble accabler Viviane ; tous les évènements rapportés enfoncent toujours plus cette femme ; et on se demande bien comment elle pourra s’en sortir ; et la solution tirée tout à coup du chapeau du romancier semble tout aussi invraisemblable que l’assassinat du psychanalyste par Viviane. Mais il n’empêche, et cette sympathie vis-à-vis de Viviane que l’auteur a réussi à inoculer à son lecteur, nous fait accepter d’emblée comme possible ce qui ne l’est guère…
Il faut dire (et c’est aussi un facteur qui rend encore plus déroutant de roman !) que la façon de raconter tous les évènements est assez rare (il me semble même que c’est la première fois que je la rencontre …) : qui est ce personnage qui raconte, qui semble savoir tant et tant de choses sur Viviane et toute cette histoire dans laquelle elle se dépêtre ?
Sa conscience ? Oh ce serait trop facile, et en même temps absurde car elle serait à la fois juge et partie, ce que démentent de nombreux passages.
Un confident ? Tout autant impossible et pour les mêmes raisons. Et s’il s’agissait ni plus ni moins que d’un « auxiliaire » de justice, juge d’instruction ou avocat ? C’est ce qu’on est en droit de supposer à partir du moment où la situation se résout.
En tout cas, la présence de cet énigmatique narrateur donne toute sa force au roman.
Après, vous pourrez vous interroger, et à juste titre, sur la personnalité des criminels réels ou supposés, sur la valeur des témoignages, sur les méthodes policières, et puis plus généralement, sur ce qui fait les échecs d’un couple, sur le pourquoi des amants et des maîtresses, sur les rivalités entre personnels à l’intérieur d’une entreprise… tous sujets traités abondamment pour mieux nous faire percevoir la personnalité de Viviane.
Ce qui est certain, par contre, c’est que si vous arrivez à vaincre cette espèce de réticence que peut provoquer cette situation peu banale, vous risquer fort de rester enchaîné à ce roman jusqu’à sa dernière page.
PS Editions de Minuit, 2012, 155p., 13,50€
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