Un jeune américain quitente l’expérience de la marginalisation quasi extrême, parcourt les USA du nord au sud et de l’ouest à l’est ; il vit de petits boulots, se trouve des hébergements de fortune jusqu’au jour où …
Car il rencontrera la Femme et en attendant son premier enfant, il nous raconte toutes ses aventures.
Dans ce roman écrit à la fin des années 90, Chris Offutt reflète bien ce qui a du imprégner le mouvement de marginalisation qui a marqué les USA dans les années 60.
Ce besoin irrationnel de découvrir par soi-même et quelles qu’en soient les conditions le monde qui nous entoure : l’expérience de nos aînés nous importe beaucoup moins que tous les enseignements qu’on pourra tirer de nos propres découvertes ; osons lacomparaison, il y a un je ne sais quoi d’ulysséen dans cette démarche : c’était flagrant avec un Kerouac, ce l’est sans doute encore plus avec Chris Offutt.
Il y a des pages que les grands aèdes regroupés sous le générique de Homère auraient appréciées ; celles de l’ouragan, certes, mais celles du cirque aussi, pour n’en citer que quelques-unes. Sans oublier toutes celles pleines d’humour, comme sa rencontre avec un pasteur complètement illuminé, ou encore ce voyage qu’il fait encompagnie d’un chauffeur routier qui ne vit que pour bouffer des cocos et des métèques et qui se prépare à une guerre sainte pour défendre un Amérique pure et dure …
Voyage initiatiqueaussi : notre héros ne recherche pas une ancienne épouse, une Pénélope qu’il aurait abandonnée pour les plus hautes raisons possibles, c’est mêmel’inverse, il ne ressent pas le besoin d’une quelconque épouse jusqu’au jour où elle s’impose à lui, car il est arrivé à la fin de toute sa démarche expérimentale.
Mais toutes ces aventuresne sont pas « gratuites » ; elles permettent à l’auteur de poser quelques questions fondamentales (encore, direz-vous, eh oui ! il le faut bien, même si les romanciers ont de tout temps eu tendance à suppléer les moralistes estampillés que sont les prêtres et autres officiants de toute confession ; j’avoue que la manière dont il les énonce me semble beaucoup plus convaincante !) Qu’est-ce que l’homme dans cet univers qui l’entoure, et quelle est sa réelle place ? La nature elle-même est-elle compatible avec la perception que nous en avons ? La caricature qu’il fait du faux morse du cirque est tout autant significative que cette simple interrogation, très lapidaire qu’il formule, lorsque, croisant une mère alligator avec ses petits, il écrit simplement (je cite de mémoire) que l’un des petits alligators était aussi surpris de cette rencontre fortuite avec l’homme que lui, l’homme, avec eux !
Il a été de bon ton de faire la fine bouche sur ce courant littéraire américain, comma d’ailleurs de l’encenser exagérément. Il me semble beaucoup plus intéressant, plutôt que de le restreindre dans le champ clos d’une catégorie ou d’une école, de l’accepter comme l’une, parmi tant d’autres, des créations romancières universelles : faisons table rase des situations très particulières qu’il nous offre, et ne prenons en compte que l’esprit qui préside à leurs créations, alors force nous est de constater que ce roman de Chris Offutt fait vraiment partie de la littérature universelle.
(et soyons égoïstes, ajoutons, pour notre plus grand plaisir !)
PS Ediotion Folio/Gallimard, 2002, 376p.
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