Un moment fort que j'attendais : celui de revoir les mosaïques de la Villa Casale, une centaine de kms à l'Ouest de Catane.
Elles m'avaient fortement impressionné lorsque j'avais eu l'occasion de les découvrir, il y a plus de dix ans. Mais, c'était lors d’un voyage scolaire, et en de telles circonstances, on n'a pas le loisir de détailler comme on le souhaiterait tout ce qu'on peut visiter … et puis, surtout, les fouilles avaient continué et une nouvelle organisation avait été mise en place, permettant de mieux saisir et le plan d'ensemble du site et son importance.
Passionnante histoire que celle de cette villa romaine.
Imaginons donc. 1812, quelques 50 ans après que l'on ait commencé à fouiller les ruines de Pompéi, un quidam, allons donc fouiner dans les archives locales pour lui mettre un nom, met à jour les traces d'une villa romaine d'importance près de Piazza Armerina, petite ville du centre sicilien. A-t-il été cru, ou l'a-t-on pris pour un des ces illuminés qui parcouraient les campagnes en quête de proies trop crédules . Toujours est-il qu'il a fallu plus d'un siècle (1929) avant qu'on ne se mette à fouiller sérieusement, c'est-à-dire méthodiquement ces ruines … qui s'étendent sur plus de 3500m² avec pratiquement autant de surface de mosaïques au sol.
J'aime ces balbutiements de l'Histoire.
Lorsqu'il est de bon ton d'attribuer aux grands de ce monde tous les mérites, y compris ceux de favoriser les arts (attention qu'on ne se méprenne pas sur le sens de mes propos : il serait complètement aberrant de nier le rôle de tous les mécènes qui, tant en Italie que dans le reste de l'Europe, ont à la Renaissance, par exemple, aidé, assisté et encourage les artistes !), alors, on reproduit ce même schéma, et l'on pense que les grands trésors de l'antiquité romaine n'échappent pas à cette règle. Donc, dans un premier temps, on va chercher du côté d'un des tétrarques de Dioclétien (1), et l'on va attribuer cette villa à un certain Maximien Hercule.
Fin 3ème siècle après le Christ.
Datation confirmée et avérée (il doit y avoir une redondance!) scientifiquement ; mais il suffit de comparer les mosaïques de Villa Casale à certaines autres paléochrétiennes du musée du Bardo à Tunis ou de Bulla Reggia toujours en Tunisie, pour en voir toutes les similitudes et les caractéristiques.
La date étant sûre, reste à trouver ce qui permet d'affirmer que le commanditaire de cette villa n'est pas forcément un grand des grands (pour mémoire, un tétrarque est l'un des quatre grands empereurs romains qui se partagent chacun le pouvoir sur l'une des parties de l'immense empire romain). En fait les sujets traités évitent soigneusement la grandiloquence que devrait inspirer le fait d'exercer le pouvoir au plus haut niveau ; et l'on est bien plus près d'une vision bon enfant du monde tant quotidien que mythologique ou quelque peu aventurier, telle que la chasse à ces bêtes sauvages qui devaient servir dans les amphithéâtres pour les non moins célèbres des jeux du cirque.
Mais il va sans dire qu'une telle richesse de moyens pour créer tant et tant de mosaïques ne pouvait être aussi que le fait d'un homme qui disposaient de moyens que seule la confiance des plus hautes autorités pouvait lui faire acquérir.
De là l'hypothèse la plus vraisemblable que l'heureux propriétaire de cette villa ne pouvait être que l'un de ses citoyens romains fortunés et proches du pouvoir. Il est dommage pour les historiens et les amateurs de cancan que l'Histoire ne nous ait pas légués son nom.
La vision qui se dégage de la « lecture des mosaïques » est d'autant plus justifiée lorsqu'on sait quelle était l'importance de la villa dans le monde antique. Et là il ne faut absolument pas faire de contresens et faire l'amalgame avec l'espèce d'ersatz que constitue notre mot villa, qui n'est plus qu'un lieu de villégiature et de passe-temps agréable. Si l'on doit essayer d'en trouver quelque chose d'approchant, il faut rechercher du côté de la Renaissance toscane et des fameuses villas qui la peuplent.
Il s'agit dans l'antiquité d'un vaste complexe d'exploitation des richesses agricoles de la zone géographique déterminée : si l'on a que très peu de ruines des édifices utilitaires (des entrepôts aux maisons des esclaves faisant office de travailleurs), par contre la maison de « maîtres » avec tout leur confort qui, du reste, comme les thermes pouvait servir à la « gens familiaris », a été très bien conservée.
Point n'est besoin de revenir sur la technique des mosaïques, cet art qui, au fil des siècles s'est appauvri ; c'est à la grosseur toujours plus importantes des carrés qu'on arrive à définir l'évolution historique. Et ici à Villa Casale on arrive au terme de cette évolution. Mais ce n'est pas elle qui nous intéresse, mais bien pltôt les sujets et la façon dont ils sont traités. Absence de perspective ou quelques tentatives très maladroites ; si les scènes sont brossées de façon rudimentaire, elles frappent par contred par la justesse de nombre de détails ; et même les scènes mythologiques, qui, par définition devraient faire appel à l'imaginaire, sont truffées de références aux êtres humains (les dieux ou semi-dieux sont pratiquementnos cousin!), ou au bestiaire tel que nous le connaissons encore aujourd'hui.
Et bien sûr une surprise de taille …
Mais pour celle-là, comme pour toutes les illustrations, je préfère vous renvoyer au diaporama que j'ai réalisé il y a quelque temps et dont je donne en (2) le lien sur youtube.
(1) : je n'ai pas le courage de développer historiquement la notion de tétrarque, mais n'importe quelle encyclopédie le fera beaucoup mieux que moi !
(2)http://youtu.be/pzgdh5m0nKU
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