L'Ardèche, pourquoi pas ?
Faire une infidélité à l'Italie, pour une fois, et se contenter d'une semaine de dépaysement en Ardèche. La France, ne dit-on pas recèle de telles richesses !
J'avoue que le tout premier contact avec cette région m'a quelque peu désenchanté : un arrêt à Privas, petite ville ordinaire (et tant pis si je vais me faire des ennemis !), dont on a vite fait le tour, je m'apprêtais à y passer une grande partie d'une journée, me délectant de quelques monuments annoncés, comme la tour de Diane de Poitiers …
Heureusement j'avais trouvé un hébergement à St Michel d'Aubenas, et mes premières impressions défavorables ont vite été balayées par toute cette région … dont, malheureusement, une petite semaine ne permet pas d'en faire le tour.
Quoi qu'il en soit, j'ai été de surprise en surprise.
Sacrifier à la mode du thermalisme ? Je n'y aurais jamais songé, si, toute proche d'Aubénas, une station thermale ne m'avait quelque peu intrigué ; pensez avec un tel nom ! Vals-les-Bains ! Evidemment je me suis bien gardé de la moindre corrélation avec une éphémère célébrité politique ! La curiosité aidant, et comment saurait-on être touriste si l'on est dépourvu de cet esprit de curiosité qui vous incite à fouiner pour dénicher cette perle rare dont vous n'avez aucune idée, mais qui vous obsède, j'ai donc arpenté les rues de cette ville, traversée par une Ardèche asséchée par un été rigoureux !
L'ai-je aimée ?
Je n'en suis pas sûr ! Ce que je sais c'est que j'ai très bien mangé, et que je me suis fort diverti à voir deux illustrations la vantant, et digne des affiches de la SNCF des années 1950 …
Plus au sud d'Aubénas, je me suis enfoncé dans cette région où les villages se fondent dans la nature mystérieuse de l'Ardèche.
Tenez par exemple le petit village de Balazuc. Je vous conseille la route qui descend au sud vers Alés et à une dizaine de kilomètres embouquez la petite route sur votre gauche ! Dépaysement garanti : interdite bien sûr aux poids lourds et même aux camping cars, cette route par endroits à peine carrossable est d'un charme fou auquel vous ne saurez résister ; et quand, à un détour, Balazuc s'offre à vous, sur un contrefort dominant l'Ardèche, vous avez du mal à saisir cette réalité.
Petit village, au milieu d'un paysage grandiose ! L'accueil d'un des rares bistrotiers est à la hauteur du site : simple et en dehors de toute convenance commerciale, il sait d'un regard et d'une phrase vous inviter à partager ce qui semble hors du temps. Etonnant, par le jeu des perspectives, la création humaine, maisons ou église, se met à la hauteur du paysage, entente titanesque où nos préoccupations semblent vraiment mesquines, vides même du moindre sens.
Tout proche un autre village, lui-aussi sur l'Ardèche : à première vue, désert, ruelles qui semblent d'un autre temps, où l'on retrouve ces atmosphères méridionales, où la nonchalance (toute apparente) semble être un art suprême de vivre. Et tout à coup, ce rappel imprévu, insolite tant il frappe par ce contraste à la fois épicurien et contemporain qu'il installe comme une certitude ! Le climat et les hivers sont peut-être rudes ici, mais en cette mi-août, il y a une invitation irrésistible à goûter du moment présent … comme aurait certainement désiré le faire cet enfant du pays, l'évadé le plus célèbre de toute l'histoire de la République, un certain Papillon.
Non loin de là, et toujours sur l'Ardèche, un autre village, un gros bourg, oui, Vogüe, qui a pris le nom d'une famille de suzerains du moyen-âge.
Celui-là, il attire les foules de touristes. Si vous en doutiez, il n'est que de voir le nombre de voitures qui stationnent sur le bord de la route et des deux côtés.
Evidemment, plus il y a de monde, plus tout est engorgé à commencer par les restaurants (certains, comme partout dans les ville touristiques, ont bien compris l'aubaine que représente cette manne touristique, et ils savent en profiter !)
Mais qu'importe, il faut savoir s'abstraire du monde environnant, et la beauté de ce village le permet encore plus facilement. D'autant que depuis le premier moment où vous avez entrevu ce village, son château semble vous narguer, vous défier presque. Quels événements grandioses pour une si petite bourgade ne cache-t-il ? Trop bien entretenu pour être authentique ? Vous apprendrez que ce sont des descendants de Vogüe qui au milieu du 19ème siècle restaurèrent entièrement le château ; rénovation tellement réussie qu'elle fait complètement illusion.
Des salles sont réservées à quelques artistes ardéchois représentatifs du 20ème siècle, et vous pourrez ainsi découvrir qu'un certain Jean Chièze, graveur sur bois, s'est aussi inspiré de … la Bretagne, et non sans talent, et l'un de ses recueils, « Finisterrae » a même été préfacé par Henri Queffelec.
Plus à l'Est, un nom m'intrigue : Alba-la-Romaine ! Les guides ne me manquent pas et tous de me signaler des ruines romaines, une ancienne ville que même Pline le jeune, mentionne au premier siècle après le Christ.
Le sceptique que je suis, se réveille quelque peu … Quelles empreintes ont pu laisser ici les Romains ? Si vous visitez ce site avec la ferme intention de découvrir quelle fut la grandeur des Romains, alors vous serez déçus comme jamais : il ne reste que quelques pierres, et un très vague théâtre, alors, quand vous avez pu voir nombre de vestiges romains, de l' Italie, à l'Afrique du Nord, et même au Sud de la France (Arles entre autres !), vous restez atterré de la petitesse de ce qui reste ici. Pourtant, l'important n'est pas tant dans la dimension des vestiges que dans ce qu'ils ont pu représenter, et alors là il faut souligner l'excellence du travail accompli par le Conseil Général (c'était encore sa dénomination) de l'Ardèche.
Alba-la-Romaine, lieu de passage, et donc lieu de convoitise, ce qui explique la création que son, évêché va se transférer dès le 5ème siècle à Viviers, et c'est aussi ce qui explique que dès le Moyen-Age un nouveau village va se créer à deux petits kilomètres sur des contreforts montagneux, et à l'abri d'un château, dont les vestiges seront, après de très nombreuses vicissitudes historiques, restaurés courant 19ème siècle.
N'hésitez pas à en franchir le seuil, et vous plonger dans son histoire ! C'est fou ce que la province la plus profonde peut vous en apprendre sur cette réalité historique que tant de sommités parisiennes ont toujours, non seulement sous-estimée, mais pire refusé de prendre en considération ! Et comment ne pas se sentir en pleine harmonie avec ces lieux, lorsque que, au sortir d'un couloir, vous débouchez sur une grande pièce où deux pianos sont là pour vous accueillir ?
Rien ne semble troubler l'immuabilité de l'ordre des choses !
Nous sommes en plein Vivarais, et vous découvrirez cette petite ville charmante s'il en est, Viviers.
Tout en haut sa cathédrale, la plus petite de France, paraît-il ; et pourtant elle en impose, dans son extérieur comme dans son intérieur, avec quelques étonnantes tapisseries, de l'atelier des Gobelins du XVIIIe siècle …
Et dans cette ville, évêché de puis le 5ème siècle, quelques étonnantes curiosités :
une maison à la façade entièrement Renaissance ! Que d'interrogations n'invoque-t-elle pas ? Sans doute le fait de riches négociants qui devaient avoir des liaisons commerciales avec l'Italie ; mais est-ce suffisant ? Ou si c'est le cas, cela nous montre encore une fois que l'époque ne connaissait pas que des échanges commerciaux, et qu'ils se doublaient de relations artistiques et esthétiques exceptionnelles … Que l'Europe était belle à la Renaissance, et que les princes et autres personnalités de l'époque n'avaient pas attendu nos politiques du 20ème siècle pour réaliser des échanges européens bien plus intéressants que les piètres commerciaux que de récents traités nous ont imposés !
Alors succombez devant cette étonnante façade !
Et puis un autre coup de cœur !
Dans l'Ardèche, mais sur la Ligne, une des plus petites sous-préfectures de France, Largentière !
Méfiez-vous des journaux et des fausses informations ! Je m'y suis présenté lors d'un jour de marché, c'est ce qu'avait affirmé l'édition d'un journal local (dont par charité républicaine, je tairai le nom ! ; mais hélas, il y avait eu erreur d'un jour … alors fini l'espoir de voir un marché local avec toutes les productions du terroir.
Mais après tout, n'était-ce pas aussi une chance ? Cette petite bourgade (2050 habitants) n'allait-elle pas se découvrir dans toute sa réalité ?
Et quelle réalité !
Elles ne sont plus exploitées ces mines d'argent qui durant 10 siècles jusqu'au milieu du 20ème siècle ont fait vivre la ville !
Mais reste son château, celui que les évêques de Viviers ont fait construire pour mieux surveiller, sans doute (et suis-je si mauvaise langue que cela?) les populations locales ? Ne pas oublier également l'importance des guerres de religion entre protestants et catholiques dans cette région … il semblerait presque que celles qui opposent actuellement juifs et musulmans, ou musulmans et catholiques dans certaines régions du monde, ne sont que petites disputes en comparaison des massacres qu'elles ont occasionnés dans l'Ardèche au 16, 17 siècles !).
Ce château, il faut le visiter en été, lorsqu' une association le fait revivre tel qu'il a pu être au 15ème siècle. On vous replongera dans l'atmosphère des armes, des métiers ou des troubadours tels que nos très lointains ancêtres ont pu les connaître.
L'Ardèche, pourquoi pas ?
Plus qu'une interrogation, une certitude !
Une région à ne pas négliger, et à visiter et revisiter, si l'on veut être riche de toutes les différences que peut nous offrir un territoire comme la France.
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