Il y a toujours un grand risque à entreprendre la lecture d'un roman, après avoir en avoir fini un qui vous a enthousiasmé ; j'en ai fait l'expérience encore une fois avec « Babylone » que j'ai enchaîné tout de suite après « Règne Animal » de Jean-Baptiste Del Amo (cf. ma critique sur eontos).
Il paraît qu'il y a une règle d'or (au dire de nombreux critiques littéraires) que se doivent de respecter les auteurs : mettre tout en œuvre pour que le début et la fin du roman séduisent le lecteur.
Or pas de chance pour Reza, mais rien ne m'incommode plus que le style haché et bref, genre, un sujet, un verbe et un ou deux complètements, point ; et on recommence ! Or toute la première page de Babylone est de cet acabit ! Dire alors, après ces deux prémisses, que j'entamais la lecture de ce roman l'esprit serein, et surtout dans une totale neutralité, serait mentir ; et pourtant le titre prometteur : quelle suggestion ! Tant de références à la bible, ou à l'histoire antique, de Babylone à Babel, (la confusion se fait si facilement et avec tellement de suggestions : surgissent alors tant de tableaux celui de Bruegel par exemple, ou de musique, ce merveilleux motet de Palestrina, entre autres, envahissant avec bonheur mon esprit !)
Quant à la fin …
Hélas, mille fois hélas !
A quoi bon suggérer par un titre des tas d'histoires où l'incompréhension humaine, le délire des grandeurs humaines prédomineraient, si c'est pour choisir une histoire aussi mesquine.
Imaginer, une femme, Elizabeth, organise chez elle une fête d'amis à laquelle va participer un couple de voisins, Jean-Lino et sa femme. Il va sans dire qu'au cours de cette réunion fort arrosée par ailleurs, (mais pouvait-il en être autrement ?) quelques anecdotes vont circuler dont une racontée par Jean-Lino qui va avoir le don d'agacer sa femme.
La fête terminée, quelques instants plus tard, revient Jean-Lino qui annonce froidement qu'il a étranglé sa femme. Pour un coup de tonnerre, c'en est un, et le lecteur commence à respirer, lui qui a déjà lu plus d'un tiers du roman, se demandant bien où voulait en venir l'auteure. Mais ce n'est pas le tout de faire appel à un événement extraordinaire (ce n'est pas tous les jours qu'on a un voisin et ami qui étrangle sa femme !), encore faut-il savoir ce qu'on va en faire … et là l'auteure annihile totalement ce fait qui de tragique, va tomber dans le plus banal des faits divers ; deux actes coup sur coup : d'abord aider Jean-Lino à masquer son meurtre, et comme cela n'est pas possible car surgit un témoin potentiel, que faire alors, dans un deuxième temps, pour que Elizabeth ne soit pas compromise et accusée de non dénonciation de crime !
Et bien sûr, à la fin, elle s'en tire !
Que tout cela est bien artificiel, les outils éculés – le coup de la valise pour transporter le corps !-, les intentions bien petites -vouloir à tout prix éviter d'être confronté aux rigueurs de la justice !- Et ce ne sont pas les quelques références à un photographe américain, sans nul doute fort connu, ou encore les retours à un passé qui vont faire oublier l'inconsistance du fond.
Vous l'aurez compris, je n'ai pas aimé du tout, et vraiment pas du tout ; même si très rapidement, l'auteure abandonne le style haché pour en faire quelque chose de plus liant, de plus enjôleur et en tout cas de plus léger, il n'empêche que nous sommes en pleine superficialité, à la frontière entre le théâtre de boulevard et le feuilleton télévisé, style Dallas ou Plus belle la vie.
Il ne s'agit pas de dénigrer ce type de création (je ris très souvent lorsque je vois des vaudevilles !) ; mais une chose est faire œuvre de divertissement et une autre que celle de prétendre au sommet littéraire ; et si on aspire à recevoir un prix tel que le Goncourt, alors il faut écrire en conséquence.
Heureusement la première sélection nous offre d'authentiques œuvres qui ont une toute autre dimension.
Edition Flammarion, 2016, 219 p., 20€
Commentaires