Espoir, craintes, enthousiasme
Jamais l'actualité n'aura réuni en si peu de jours, trois, avec force toutes ces caractéristiques !
L'espoir, oui, c'est bien pour ces gens ensevelis sous les décombres d'un hôtel emporté par une avalanche en Italie. Alors qu'on était pour le moins très pessimiste sur le sort d'au moins trente personnes, aux dernières nouvelles ce sont déjà 10 d'entre elles que les sauveteurs ont réussi à extraire, blessées, certes, mais vivantes. Comme on comprend l'émotion de tous ces sauveteurs : on ne peut s'identifier à leurs tâches, on n'en a ni les capacités, ni sans doute même la volonté, mais comme on partage leur joie. Par delà cette émotion qui nous submerge, émerge une autre sensation encore bien plus forte : c'est cette notion de solidarité qui est capable de mettre en échec, ne serait-ce que partiel, les forces de la nature ! Fasse que la folie des hommes, de ceux qui nous gouvernent, ne rende cette nature tellement impitoyable qu'aucun humain ne puisse la contrer un tant soit peu.
Folie des hommes ? À commencer par ceux qui gouvernent le monde.
Les craintes, et le mot me semble bien faible, c'est toutes celles qu'un individu, devenu l'un des hommes les plus puissants de la planète engendre. Donald Trump, élu par la plus formidable des impostures dites démocratiques (avec 2 millions de voix de moins que sa rivale, au suffrage universel !) 45ème président des Etats-Unis. Oui, les craintes sont énormes d'un retour à des valeurs d'un passé qu'on croyait pourtant définitivement derrière nous : nationalisme exacerbé, protectionnisme économique vont mettre en péril le monde dans son ensemble, puisqu'au nom de ces mêmes valeurs, il va favoriser la désunion des peuples, (c'est bien ce qu'il entend déjà faire avec l'Europe, où il vante les mérites de l'Angleterre qui a réussi à sortir de l'Union Européenne !), puisqu'au nom toujours de ces mêmes valeurs, et pour relancer une politique de plein emploi aux Etats-Unis, il va remettre en service toutes les industries particulièrement novices, à commencer par celles qui produisent du charbon ou du gaz de schiste … la nocivité de ces produits sur le climat, disent ses « conseillers » scientifiques n'est pas démontrée ! Dans quel déni ne s'enferment-ils pas ? Pékin n'est-elle pas la meilleure démonstration de cette pollution qu'entraîne l'exploitation économique du charbon ? Comment ne pas redouter le pire de la part d'un homme qui commence par annuler toutes les avancées de son prédécesseur, ou qui refuse toute amélioration salariale au prétexte qu'elle tuerait l'emploi lui-même … n'est-ce pas là le type de raisonnement qu'utilisait le patronat au 19ème siècle ? Comme on comprend les inquiétudes des progressistes américains ! Pourvu que ce qui reste de gauche encore en Europe soit à la hauteur des enjeux qui se jouent actuellement aux Etats-Unis avec l'arrivée de Trump.
Mais heureusement, cette semaine,
74, 3, 25, 46 … ces quatre chiffres (non ce n'est pas le résultat d'une grille de loto – mais, même si je ne suis pas joueur de loto, je ne pense pas qu'une telle grille soit possible !) résonnent depuis deux jours non seulement sur la planète mer, ou sur ce qui gravite autour d'elle, mais bien chez nombre d'humains !
74 jours, 3 heures, 35 minutes 46 secondes ! Quel exploit pour accomplir quelques 40 000 kms, soit une moyenne horaire de 26kms ! Quel fantastique marin que cet Armel Le Cleac'h ! Comme je partage l'enthousiasme de ces milliers de spectateurs qui sont venus l'accueillir ! On touche là à la signification du héros : être humain dont les capacités tant physiques qu'intellectuelles sont capables d'accomplir ce que nous autres, dans la moyenne des humains, ne peuvent réaliser, voire même concevoir ! Là-aussi, il y a en chacun d'entre nous une volonté d'identification, qui la rend d'autant plus désirable qu'on la sait impossible ! On comprend alors que de telles personnes aient de tout temps suscité enthousiasme, au point que les Grecs anciens en avaient fait des demi-dieux ; et ne faut-il pas l'être pour se lancer dans une telle aventure ?
Mais par delà cette aventure hors normes, qui mélange dans la plus parfaite des harmonies compétence technique, rapport poétique à l'univers marin, il y a tout un autre paramètre que le geste d'Armel Le Cleac'h à son arrivée traduit parfaitement, lorsqu'il a embrassé son bateau. Car ce n'est pas rien qu'un tel bateau, et l'embrasser c'était reconnaître publiquement qu'il devait sa victoire à tous ceux qui avaient conçu, réalisé un tel outil. C'était aussi mettre en avant que son exploit qu'il incarnait en tant qu'être n'avait été possible que parce qu'il y avait avec lui toute un équipe.
Ouf, nous voilà enfin débarrassés de ces scories romantiques, balivernes au nom desquelles l'humanité s'est tellement fourvoyée : il n'y a pas d'homme providentiel, ou plutôt s'il existe c'est uniquement parce qu'il est l'émanation d'un groupe.
Oui, cette semaine, ce fut quand même bien autre chose que l'affligeant spectacle d'un débat de candidats dits de gauche aspirant à … être tout sauf des Armel Le Cleac'h !