J'aurais pu m'amuser cette semaine à faire le décompte des députés qui ont participé à ce hold-up sur la démocratie qu'ont été les votes sur l'état d'urgence et celui sur la déchéance de la nationalité. C'aurait été trop compliqué car pour être divertissant, il aurait fallu tenir compte de toutes les différentes positions y compris à l'intérieur de chaque parti, et réussir à trouver une partie des déclarations antérieures desdits députés pour montrer à quel point un élu national peut-être comme une girouette : tenter de savoir d'où vient le vent … et pour cela …. alors je laisse le soin à d'émérites politologues de réaliser cette étude !
Je préfère donc gloser à partir de deux chiffres.
Le premier m'a interpellé par sa précision : selon des statistiques effectuées par je ne sais plus quel office sûrement très compétent et très sérieux, il se vend en France 320 baguettes de pain par seconde. C'est le genre de chiffre qui a le don de me faire immédiatement réagir et de transformer mon cerveau en une super puissante machine à calculer : vous vous dites que cela n'est pas beaucoup compte-tenu du nombre de boulangers que la France doit compter, pour ma part j'en connais sûrement une bonne centaine, et j'en fréquente très régulièrement quatre ou cinq ; alors vite en une minute, cela nous fait 19200 baguettes, et en une heure 1152000 baguettes ; le chiffre ridicule de 320 commence à se transformer et donne le vertige ! Vous êtes grisé comme dans une voiture très puissante genre Ferrari ! Vous ne pouvez vous empêcher de calculer ce qu'en une journée il peut se vendre de baguettes … mais là, vous vous heurtez à une difficulté extrême : combien d'heures dans la journée commerçante ? Mon boulanger ouvre 13 heures par jour, mais est-il dans la moyenne ou en fait-il plus ? Tant pis, basons-nous sur 13h quotidiennes, ce qui nous fait 14976000 baguettes !
Machinalement, je me dis qu'il y a 14976000 citoyens français qui mangent chaque jour sa baguette … mais je ne peux que sursauter face à cette hypothèse, et en me prenant comme exemple, je constate que nous sommes deux, ma femme et moi, pour manger une baguette quotidienne … en admettant qu'il n'y ait que des couples, cela signifie qu'il y aurait 29952000 citoyens français à manger de la baguette par jour, soit près d'un français sur deux … pourtant, je ne suis pas encore satisfait, car il y a aussi les célibataires, et comme je ne sais pas la proportion entre couples (au sens le plus large possible!) célibataires, me voilà donc incapable de dire combien il y a de français à se partager les 14976000 baguettes quotidiennes qui sont vendues en 13 heures !
Tout cela pour dire que lorsqu'ils nous donnent, nos informateurs médiatiques, des chiffres de cette importance, il serait bon qu'ils commencent par non pas seulement les vérifier mais voir toutes les déductions qu'ils amènent ! Sinon ce n'est que du vent ou du sensationnel facile, dont on ne peut rien espérer !
Les chiffres encore eux !
Le 7 ? cela ne vous dit rien ? Les 7 merveilles du monde ? Les 7 arts ? Non. C'est beaucoup plus terre à terre : il y a un président de conseil départemental dans l'Est de la France (je ne sais plus si c'est le Haut ou Bas Rhin) qui a eu une idée : puisque son département finance le RSA, il a décidé de conditionner cette aide à une petite contrepartie, le bénéficiaire s'engageant à accomplir bénévolement 7 h de travail par semaine. La belle idée que voilà, et nombreux ont été ceux qui l'ont louée : puisque c'est nous qui payons, sur nos impôts eh bien que ceux qui en profitent accomplissent un travail pour la société. Le bénévolat, par définition, c'est une activité choisie par une personne et sans le moindre lien financier ou rétributif quel qu'il soit. Or conditionner le RSA à un bénévolat, c'est en quelque sorte faire un chantage inadmissible : ou tu bosses bénévolement pendant 7h par semaine et je te donne 400€, ou tu n'as rien.
Richissime idée, et j'aime bien calculer, le RSA c'est en moyenne 400€ par mois ; maintenant si vous divisez la somme de 400€ par 28 (7x4) vous obtenez un prix de l'heure de 14,28€ net ! C'est bien plus que l'heure horaire du Smic ! Alors puisque le Conseil départemental est capable de supporter financièrement une telle idée, ne serait-il pas préférable de créer de véritables postes à temps plein, payés au smic et correspondant au profil de formation des bénéficiaires du RSA : ce serait plus gratifiant pour le bénéficiaire, puisqu'i aurait été à même de choisir son secteur de travail en fonction de ses aptitudes et de ses goûts, et plus « rentable » pour la société, impôts directs et/ou TVA dont il devrait s'acquitter, qu'il le veuille ou non.
Et pour terminer sur les chiffres, une énigme que je pose à tous mes lecteurs fin lettrés et impressionnants calculateurs !
Sachant qu'une réforme fondamentale de l'orthographe vient d'être pondue, combien y-a-t-il de mots qui vont garder leurs accents circonflexes et combien vont le perdre ! Remarquez j'aime beaucoup la « gratuité » de cette réforme, puisque de toutes les façons, accents ou pas accents, il n'y aura pas de faute, et les deux orthographes seront admises … alors pourquoi avoir pondu cette réforme ? Les anciens instituteurs vont se sentir pousser des ailes de révolte dans leur retraite, et les nouveaux professeurs des écoles vont y perdre le peu de latin qu'ils ont encore (1), et ce n'est pas un mal, puisqu'une autre réforme va limiter et de beaucoup l'enseignement de cette langue !
Où est cet heureux temps où des professeurs de fac pouvaient se permettre de faire des cours de littérature et de civilisation latine, tout en latin !!!! Mais comme il paraît que vouloir continuer à enseigner le latin, voire le grec, est profondément réac, et élitiste, alors oui, je revendique pour la première fois de ma vie le droit à être réac et élitiste !
(1) je ne sous-entends pas qu'ils connaissent peu le latin, mais seulement que n'en ayant plus la pratique, ils en aient forcément beaucoup oublié.