Amanda Sthers : Keith me
Impossible de rester indifférent à ce roman !
Il me semble pourtant impossible de pouvoir y adhérer totalement et pire de l’aimer passionnément.
Je suis de parti pris, m’objecterez-vous, vous n’aimez pas le rock et encore moins les musiques dites actuelles qui sont à la musique ce que Mac Donald est à la restauration ! Donc il suffit de parler des Rolling Stones pour que vous en disiez pis que pendre.
Votre argument est bien bas, et semblerait insinuer que je suis incapable de faire la part des choses.
Alors donc démontons ce roman et démontrons qu’il est bon à rien sauf peut-être à mettre au cabinet pour reprendre une réplique célèbre d’un trop méconnu auteur.
Je veux bien que le sujet s’attache à rentre dans l’univers des Rolling Stones en général et dans celui de Keith Richards en particulier : mais ne rendre compte de sa musique que sous l’angle de la drogue et de la beuverie, c’est faire totalement injure à la musique. On cherche vainement l’analyse artistique, la démarche compositionnelle, les émotions face aux sonorités, aux enchaînements des séquences musicales, bref, tout ce qui fait qu’un brouillon, qu’une vague idée sonore devienne tout à coup ce chef d’œuvre capable d’enthousiasmer y compris les foules (mais entre nous soit dit, je ne crois pas à ces grands messes où des milliers de personnes sont capables de jouir en même temps de la musique … je me trompe peut-être !) On est dans le seul monde de la défonce coûte que coûte : c’est cela et seulement cela qui forme, selon l’auteur, le credo artistique et le fondement de la musique des Rolling Stones !
Affligeant au plus haut point !
Affligeante aussi la conception même de ce roman : Keith rencontre une femme tellement amoureuse de lui et la fusion devient telle entre eux deux que le pauvre lecteur est baladé constamment de l’un à l’autre, au point même de se tromper souvent de personnages : Keith écrit souvent à la place de cette femme et viceversa ; il doit bien y avoir une maladie psychique qui décrit ce genre de symptômes en tout cas le lecteur est bien malgré lui entraîné dans un délire où l’absurde et l’irrationnel règnent en maîtres.
Allez donc vous étonner après si l’écriture est tout aussi affligeante !
Quand c’est le vrai Keith qui s’exprime, alors le style et le vocabulaire est à la hauteur de la défonce ; je ne crois pas à la vulgarité pour la vulgarité, la vulgarité est au style ce que le porno est à l’érotisme ; et qu’on écrive à tour de bras chier, pisser, branler, bite etc … n’est pas un signe de littérature, et ce n’est pas parce qu’on veut faire peuple, qu’on signera automatiquement une œuvre populaire (la relecture de Brecht s’impose de plus en plus, pour qui l’œuvre ne devait pas descendre au peuple, mais bien faire monter le peuple à elle !). En tout cas si ce sont avec ces mots qu’Amanda Sthers veut nous faire aimer les Rolling Stones, c’est complètement raté !
Rendons-lui quand même justice ; elle sait écrire autrement que vulgairement, et elle le démontre même si, malheureusement, c’est trop souvent du genre style télégraphique : un sujet, un verbe, un complément. Un sujet, un verbe, un complément. Et on recommence !
En finissant cette chronique, m’est revenue à la mémoire cette autre chronique que j’avais consacrée à un autre roman de cette auteure, je l’avais même intitulée « nullement indispensable » … décidément on ne peut pas dire qu’elle se soit améliorée.
Editions Stock, 2008, 142 p., 14,50€