Prélude à un Dixième Festival
Lors de l'Assemblée Générale de l'association Musique et Rance, en date du 23 octobre dernier, j'avais souhaité que le dixième anniversaire du Festival de musique ancienne de La Richardais soit précédé par d'autres manifestations musicales dans d'autres cités de la Côte d'Emeraude ; le but évident, non seulement marquer cet anniversaire, mais surtout faire découvrir à d'autres mélomanes dans d'autres cités que la musique ancienne n'était pas l'apanage de quelques farfelus ou de quelques élites confinées dans des « capitales » qu'elles fussent régionales voire nationales !
Alors que s'annonce ce 10ème festival, il est temps aussi de donner quelques indications sur ces trois concerts que Musique et Rance a organisés ce mois de juin !
D'abord à St-Malo, ce 4 juin dernier !
C'était l'Ensemble Bella Compagnia qui avait été choisi ! Bon, pour ceux d'entre vous qui le connaissent, ce choix n'était pas anodin, d'abord parce qu'il faisait appel à deux amis, un flûtiste à bec hors pair, avec qui j'ai eu de très grandes complicités musicales, Yves Touquet, et aussi Tchié Sato, une claveciniste d'une rare finesse musicale, et qui m'a permis de découvrir tant et tant de richesses d'interprétation de notre répertoire occidental. Et au milieu de cet ensemble, vous l'avez compris, votre serviteur ! Car, comme le prétend si justement le diction populaire, on n'est jamais mieux servi que par soi-même. J'avais découvert, dans les bacs d'un éditeur de musique aux journées de musique ancienne de Vanves en novembre dernier, deux cantates, l'une d'Alessandro Scarlatti, et l'autre de Daniel Purcell ; le coupe de foudre, ces deux partitions faites pour baryton m'ont semblé totalement adapté à ma voix, et je n'ai eu qu'une seule envie les interpréter pour vérifier qu'elles étaient aussi séduisantes que leur simple lecture me le laissait supposer.
Entourées de quelques autres œuvres (dont deux pièces de Claudio Monteverdi), le tout devait représenter un programme alléchant.
En avant première nous l'avons proposé à Betton, fin mai, juste histoire de vérifier que nous étions fin prêts pour ce premier concert du 4 juin.
Je garderai dans ma mémoire inscrit ce concert ! En faire l'éloge serait quelque peu indécent, comme si on pouvait être à la fois juge et partie ! Le souvenir que j'en retiendrai c'est cette aura musicale dans laquelle j'ai constamment baigné, porté par mes amis, et cette fantastique osmose dans laquelle nous avons évolué tout le long de ce concert !
Même si pour des raisons totalement étrangères à notre volonté, nombre d'amis n'y ont pu assister, la qualité musicale de ce concert inaugurait vraiment bien de ce dixième festival.
Dont nous avions choisi, comme deuxième point d'ancrage, la petite ville de Pleurtuit ! Il faut dire que là, dans cette ville, au contraire d'une grande ville comme Saint-Malo, j'ai rencontré un écoute très attentive de la part des élus et en particulier de l'adjoint chargé de la culture (1) ; il s'est mobilisé, a entraîné dans son sillage la responsable de la médiathèque ; et nous avons pu programmer un concert particulièrement adapté pour la petite structure, une ancienne chapelle d'un couvent, qu'on mettait à notre disposition. J'avais demandé à Jeanne-Marie Gilbert (2) de nous concocter un programme pour lequel elle avait carte blanche. Quand vous connaissez un artiste, pourquoi ne pas lui faire totalement confiance sur le programme qu'il pourrait vous proposer, et le lui imposer ne serait-ce pas déjà une atteinte à cette confiance ?
Toujours est-il qu'elle nous a préparé un « programme » sur la femme en musique, à commencer par Hidelgard Von Bingen (3) et ce jusqu'à Michel Lambert (3) avec une introduction que je ne peux m'empêcher de citer :
"PORTRAITS DE FEMMES"
Muses ou poètes, femmes savantes ou du peuple, reines du ciel ou de la terre, nées de l’imaginaire ou de l’histoire, résistantes, inspiratrices ou musiciennes, tous ces «dames du temps jadis » vont revivre le temps d’une soirée grâce à un bouquet de chansons poétiques. Ce programme veut rendre hommage à des figures de femmes confrontées à leur espoirs et à leurs destins, telles des miniatures peignant leurs amours mystiques et profanes.
Comment ne pas souligner cet extraordinaire tour de force dont est capable Jeanne-Marie : savoir « chanter sur le luth », selon l'expression consacrée du 16ème siècle ; c'est-à-dire être capable de s'accompagner tout en chantant ; mais le mot « accompagner » est en lui-même très malheureux, car me direz-vous, n'importe quel chanteur de variété actuel est capable de s'accompagner … demandez le à la Carla Sarkozy, par exemple, qui se vantait publiquement d'avoir enrichi son vocabulaire, car elle avait appris à manier … une douzaine d'accords ! (4)
Chanter sur le luth, ce n'est pas seulement s'accompagner, c'est surtout être capable de créer sur son instrument une autre œuvre qui vient se superposer à celle que la voix retranscrit. Et alors des compositeurs comme John Dowland (3) prennent toute leur importance.
Tout son concert fut une démonstration de ce talent qui a séduit à juste titre le public.
Le troisième concert, celui programmé le 24 juin à l'église anglicane de Dinard, revenait à une facture plus classique.
C'est l'Ensemble Ad Lib. qui en avait été chargé. Ensemble à géométrie variable, en fonction du concert et du programme requis, il était composé pour la circonstance, de Dominique Fontaine (2), voix de soprano et aussi seconde flûte à bec, Dominique Renard (2) flûtes à bec, et de Pascal Tufféry (2), claveciniste et organiste.
Le lieu, qui peut accueillir au maximum 140 personnes, était approprié au programme choisi : des cantates de Georg Philipp Telemann (3), des pièces d'Antoine Dornel (3) ou De Montéclair (3),ou d'André Campra (3) et bien évidemment de G. F. Haendel (3).
On aura pu s'émerveiller sur les capacités du claveciniste à changer naturellement d'instrument et à devenir organiste ; on aura pu s'émerveiller de la complicité entre les différents interprètes, la fusion entre la voix et la flûte à bec tenant par fois du prodige ; on aura pu tout autant s'émerveiller de la richesse de ce répertoire.
Et le public ne s'y est pas trompé ; plus de 100 personnes ont vibré pendant une heure et demie à cette musique qui, frisant les trois siècles si ce n'est les dépassant, semblait être encore d'une telle actualité.
Le prélude est achevé, reste maintenant le corps, et ces quatre concerts qui, dans le cadre du 10ème Festival de Musique Ancienne, vont émailler la vie de La Richardais et du Minihic sur Rance, du 3 au 12 juillet … quatre concerts où interviendront deux ensembles, « A vous sans autre » et « Prise de bec », ainsi que deux artistes, Delphine Lereoy à la flûte traverso et Lujza Markova, que le Festival avait déjà sollicités, mais aussi une première : « Le quintette de cuivres de l'Ecole de Musique de Dinard » ...
et ce souhait : que, le 12 au soir, je puisse avoir autant de satisfaction qu'à la fin de ces trois premiers concerts de juin.
1-Je ne les nommerai pas ; non pour la crainte de paraître soit flagorneur soit au contraire trop critique, mais seulement, parce que je constate encore une fois que moins la structure est importante plus les responsables sont réellement proches non seulement des électeurs mais aussi du simple citoyen
2- Si je me résous à la nommer, c'est parce que, me semble-t-il, comme pour les autres artistes que je suis appelé à nommer dans ce bref compte-rendu, l'évident sens musical qu'elle manifeste doit être non seulement reconnu, mais surtout sollicité pour le plus grand plaisir des mélomanes et autres amoureux de la musique qui l'entendraient !
3-Pour tous ces noms que je vais citer, je m'en voudrais de donner la moindre explication biographique, je fais appel au talent de mon lecteur et à ses aptitudes à se documenter pour combler ses éventuelle lacunes ...
4-Ouvrez, je vous prie, n'importe quel traité d'harmonie, et discutez avec n'importe quel étudiant de classe d'harmonie de n'importe quel Conservatoire de musique, et vous constaterez alors que l'harmonie c'est tant et tant de fois plus qu'une simple douzaine d'accords … après tout, que la Carla Sarkozy veuille réduire le langage à quelques 500 mots et prétendre à en faire une œuvre d'art alors que la langue française en contient plus de cent fois plus … montre bien à quelles aberrations l'on amène le concept de créateur …