Quand je vois la situation que la France connaît depuis quelques semaines, je ne peux m'empêcher de penser au mot gâchis !
Je n'en avais pas bien pris conscience, mais c'est le survol de Rennes par les hélicoptères de la police qui m'a soufflé ce mot, avec cette simple question : combien coûte une heure de vol de cet engin ?
Comment, on (le gouvernement!) joue les matamores, s'obstine dans une loi sur le travail que même les plus conciliants des patrons jugent mauvaise ? Plus les syndicats haussent le ton, devenant de plus en plus offensifs, voire hargneux, et plus le gouvernement s'enfonce dans la répression des manifestations. Les bavures policières se multiplient, le gouvernement à défaut de pouvoir les contrôler et surtout de les faire cesser, ne peut faire autrement que de les couvrir, allant jusqu'au déni de réalité, comme ce fut le cas avec la dernière manifestation à Rennes où des journalistes se sont fait insulter, et matraquer (cf. Ouest-France du 3 juin).
Alors ? Oui, gâchis financier : combien va coûter cette plaisanterie ? Les heures de vol mentionné plus haut, les heures supplémentaires de CRS et de policiers multipliées par d'innombrables fonctionnaires qui auraient pu être affectés à tant d'autres tâches, qui, elles, ne seront au mieux que retardées et au pire jamais effectuées ? Sans oublier toutes les casses de mobiliers humains et les dégradations de monuments publics, avec bien évidemment les heures de travail imposées à d'autres fonctionnaires pour les réparer ! Sans compter naturellement toutes les victimes des manifestations qu'il faudra bien indemniser d'une façon ou d'une autre, que les autorités reconnaissent ou non (et cela serait de très mauvaise foi !) leur responsabilité.
Gâchis financier pour les finances publiques, mais tout aussi grand, si ce n'est plus encore, pour les particuliers qui ont à souffrir dans leur chair et leurs biens, à commencer par les commerçants.
Mais surtout quel gâchis humain !
Je sais bien que la règle d'or pour gouverner est de diviser et d'opposer les gens entre eux ! Mais en arriver à ce stade ce n'est plus de la gouvernance, c'est de la perversion ! Jamais la coupure n'aura été aussi grande entre les Français :
entre les citoyens et les forces de l'ordre, qui, encouragées par leur hiérarchie, confortée elle-même par les représentants du ministre, si ce n'est le ministre lui-même, commettent de plus en plus de bavures et en toute impunité (voir plus haut),
mais entre les citoyens eux-mêmes ! Faute d'explications claires et de choix politiques nettement définis, auxquels se référer, les citoyens ne peuvent que réagir viscéralement : « tu es contre le fait que je travaille, tu me prends en otage », tous les poncifs sont bons, servent de base d'action, alors qu'il faudrait une bonne fois pour toutes se poser la question même du travail dans une société : quel est son but, quelle doit être sa place, et quelle garantie de vie décente offre-t-il ? Si cela avait été clairement posé dans un préambule à cette loi, au moins le citoyen français aurait pu se déterminer en parfaite connaissance sur ce texte. Mais non, toutes ces raisons ont été directement occultées et les conséquences sont alors malheureusement prévisibles : au niveau d'un Etat, d'une entité géographique telle qu'une nation, si l'on adopte le fameux article 2 de cette loi, alors on accepte que soit organisé de façon systématique le « chacun pour soi », et « tant pis pour les autres, ils n'ont qu'à se démerder comme moi ! » ! (étrange, je pensais que la notion même de socialisme était basé sur le sens du partage collectif !)
Et pour mieux encore diviser, nous voilà revenus au bon vieux principe préélectoral : dévoyer le vote à venir de différentes catégories professionnelles en leur octroyant tout à coup des avantages financiers que jusqu'à présent on leur avait refusés au nom d'une rigueur sur laquelle il était impossible de transiger !
Et tout cela pourquoi ?
Pour un entêtement puéril qui, s'il provenait de gamins capricieux et non de politiques, se trouverait vite réglé au sein de n'importe quelle famille !
N'entend-on pas, en effet, ici et là des propos comme quoi le gouvernement s'apprêterait à lâcher du lest et à revenir partiellement sur le fameux article tant contesté et inadmissible N° 2 ? Ce que précisément attendent de nombreux manifestants et responsables syndicaux pour lesquels ce fameux article 2 est – et à juste titre- une marche en arrière invraisemblable qui ramènerait l'organisation du travail et les relations entre ouvriers et patrons au stade de ce qu'elles étaient à la fin du 19ème siècle … (1) et dire qu'un politique de la dimension d'un François Hollande osait dire qu'il s'agissait là d'une loi de progrès !
Oui, quel gâchis nauséabond le gouvernement n'aurait-il pas provoqué !
On m'objecterait aussi que les syndicats, la CGT en particulier, auraient leur part de responsabilité dans ce gâchis ! Pourtant, à réfléchir de près : la responsabilité d'un syndicat ouvrier n'est-elle pas de faire en sorte que la condition matérielle, environnementale (le cadre de vie entre autres) des ouvriers s'améliore toujours, parce qu'au fond des choses accepter que la vie en dehors du travail ne serve qu'à récupérer suffisamment de force pour pouvoir travailler toujours plus pour le plus grand profit de quelques-uns, n'est-ce pas remettre l'ouvrier dans une position d'esclave ? Il m'est arrivé d'être en désaccord avec la CGT, mais sur cette loi du travail, elle a eu tout à fait raison, car ce fameux article 2 n'est que la porte ouverte à un retour inadmissible du passé.
Alors que la droite ait produit ce gâchis, on n'en aurait pas été surpris, mais que ce soit ceux qui se réclament du socialisme qui l'ait provoqué, alors oui, cela est bien plus affligeant, car c'est admettre que la gauche peut avoir une idéologie de droite et une attitude de droite, tout en se réclamant de la gauche ; cela porte un nom : imposture !
1- Vous allez me dire que j'exagère, que je prête au patronat des intentions malveillantes ... et pourtant, l'on vient de me signaler qu'une grosse entreprise liée à Citroën, a envoyé, au nom de cette future loi, une lettre à chacun de ses employés pour leur demander entre autres, s'ils acceptaient de venir travailler à n'importe quel moment, même sur leur temps de congé, dès lors qu'on ferait appel à eux ! Qui a parlé de "taillable et corvéable à merci" ?