EONTOS

Manif Rennes 2016

J'essaie de récapituler.

Jeudi 24 mars, à la manifestation contre la loi sur le code du travail, des « étudiants » en profitent pour saccager quelques magasins et se servir au passage.

Lundi 28 mars, d'autres (ou pourquoi pas les mêmes) « étudiants » jettent des chaises sur une rame de métro proche de la fac de Rennes-Villejean, provoquant une interruption de quelques heures dudit métro.

Les réactions, elles, sont quasiment immédiates, et la presse locale s'en donne à cœur joie : des actes qui provoquent réprobation et condamnation tant des usagers que des propriétaires de magasins.

Les responsables des « fauteurs » de troubles, eux, n'y vont pas par quatre chemins, pour leur seule défense, ils mettent en avant qu'ils n'ont pas d'autre choix que de casser s'ils veulent se faire entendre !

J'essaie de comprendre !

Si j'ai bien saisi nos contestataires en herbe, ce n'est plus le projet de loi qui est en cause, mais le simple fait qu'on refuse de les entendre ! Bravo ! Ils ont tout faux, mais vraiment tout faux et sur toute la ligne ! Croient-ils vraiment qu'on va les entendre parce qu'ils vont saccager des magasin et empêcher des métros de fonctionner, mécontentant des milliers d'usagers ?

Ou ils sont complètement débiles et alors on se demande ce qu'ils font à l'Université, ou ils sont complètement manoeuvrés, et alors là encore on se demande si leur niveau d'intelligence est celui que l'Université peut attendre d'un étudiant lambda !

L'enjeu est bien de faire échec au projet de loi sur le code du travail ; alors soyons tacticiens, il faut convaincre le maximum de la population de sa dangerosité. Est-ce en saccageant et cassant qu'on va y réussir ? Il faut vraiment être naïf pour le croire ! Et à quoi bon se mettre à dos la population ? Car les citoyens qui ne savent pas trop quoi penser de ce projet de loi, risquent fort de la croire bon s'ils voient que ses adversaires sont capables de telles exactions, plus proches du banditisme et d'actes de voyou que d'actions politiques ou syndicales.

Quant à ceux qui luttent à juste titre contre un tel projet, ils vont être assimilés à ces "voyous" et auront beaucoup plus de mal à convaincre de sa nocivité !

D'autant que toutes ses exactions vont coûter cher, et y compris à la collectivité, c'est-à-dire au simple citoyen qui paye ses impôts … et parmi eux, tous ceux qui vont être victimes de ce projet de loi, si d'aventure il est voté ! C'est quand même un comble que de vouloir « oeuvrer » pour le « bien-être » des gens et les pénaliser financièrement, par des actions inconsidérées.

D'autant aussi, et sur le fond, de telles exactions discréditent complètement la cause qu'elles sont pourtant censées servir ! Comment voulez-vous être crédible si vous vous comportez comme un voyou ?

Ah, le gouvernement, et le patronat qui comme par hasard le soutient, ne peuvent que se féliciter d'un tel comportement : par réflexe où la sécurité, le respect de l'outil de travail et l'intégrité du bien public, sont invoqués, le citoyen de base ne pourra que suivre le gouvernement et le patronat dans ce projet qui leur tient tant à cœur.

Oui ces "étudiants" servent bien mieux le gouvernement et le patronat que la lutte contre le projet de loi sur le code du travail ... à se demander ... mais non le gouvernement ne ferait pas preuve d'un tel machiavélisme !

Alors, comme beaucoup je m'interroge !

D'abord sur ces étranges AG qui se sont tenues à la fac de Villejean où des « étudiants » ont montré comment il fallait s'opposer aux CRS pire, comment on pouvait les neutraliser ! Où était le débat absolument indispensable sur ce projet de loi ? J'y suis, pour ma part farouchement opposé dans la mesure où il institutionnalise de façon irréversible la précarité du travail, où il gomme plus de cinquante d'acquis sociaux pour revenir à un état antérieur à 1936, mais il n'empêche que pour convaincre les éventuels indécis, il fallait discuter sur le fond et la forme du projet, et non faire appel à des sentiments à la fois puérils et complètement irréfléchis de la haine vers le gendarme et de la façon dont il fallait non seulement s'en prémunir, mais pire, le détruire physiquement.

La France de 2016 est-elle rendue à la guérilla urbaine ? Quelle imbécillité que de le prétendre et d'inciter à des actions qui le laisseraient entendre ! L'immaturité politique de ces jeunes est vraiment inquiétante !

Comment ces apôtres de la violence extrême ont-ils pu être ainsi aveuglés !

Et le gouvernement de se frotter les mains : le préfet d'Ille-et-Vilaine vient de pondre un arrêté interdisant toute manifestation dans le centre de Rennes !

…

Bonne manifestation quand même ce jeudi … si tant est que cela soit possible !

 

 

 

Concert de Noël : A Vous Sans Autre, 17 décembre

C'est la période, et pour qui est amateur des chants et musique de Noël, il a largement de quoi choisir, et même trop ! Car entre les différentes, églises, lieux culturels et associatifs (maisons de retraites comprises !) innombrables sont les ensembles musicaux, d'amateurs à professionnels, qui vous proposent nombre de programmes.
Pourquoi ai-je choisi le concert donné par A Vous Sans Autre ?
Je mentirais si j'osais affirmer que c'est un pur hasard ! Non, je suis bien obligé d'admettre que je connais quelques-uns des chanteuses et chanteurs qui en font partie … et, m'objecterez-vous, mon jugement risque d'être fort partial ! Mais non, soyez rassuré, je fais partie de ceux qui appliquent le principe « quis amat bene castigat bene » (celui qui aime bien, châtie bien).
Il y avait aussi une seconde raison qui m' a poussé à venir les entendre : leur ancien chef, que je connaissais assez bien et que j'appréciais beaucoup, a été amené à les quitter et a été remplacé par quelqu'un de tout aussi compétent (sinon plus, tout au moins, quant aux diplômes), puisque professeur d'orgue au CNRR (conservatoire national à rayonnement régional ! Ah ces titres pompeux et ronflants !)
Et si je commençais par le côté négatif ? J'en serais débarrassé et n'en serais que plus disponible pour me livrer à l'exercice périlleux du décorticage !
Mais où faut-il se placer dans l'église Saint-Germain (de Rennes) pour être assuré d'une bonne acoustique ? Chaque concert auquel j'assiste dans cette église me laisse toujours sur ma faim ; où que je choisisse ma place (et hier, je ne pouvais faire autrement que d'être au milieu de la nef), c'est toujours la même bouillie dès que les morceaux interprétés commencent à sortir de la verticalité (lente bien évidemment !) pour amorcer un peu de contrepoint (ne parlons pas de mouvements fugués !) ! Tous les sons se mêlent, s'embrouillent, et l'on peine à reconnaître les subtilités des œuvres qui, de fait, sont complètement dénaturées. Les compositeurs doivent se retourner très souvent dans leur tombe !
Bon, mais cela ce n'est pas à mettre au mécompte de AVSA !
Mais étrangement, et j'ai du mal à le croire, où j'étais placé, j'ai entendu parfaitement l'orgue, celui de la tribune ! Il faudrait être particulièrement dur de la feuille pour ne pas entendre l'orgue, non, ce que je veux dire, c'est que toutes les notes étaient claires, parfaitement identifiables, y compris lorsque l'organiste a utilisé à plusieurs reprises les 32 (et je pencherais pour du 64) pieds … mais non ce n'est pas du jargon ! Cela correspond, pour faire simple, aux plus grands tuyaux … pour la petite anecdote on prétend que certains jeux de 64 pieds, poussés au maximum de leur puissance, peuvent faire exploser toutes les vitres dans un rayon d'une trentaine de mètres !!! Mais revenons à l'orgue ou plutôt à cette acoustique … et donc aux points positifs de ce concert.
Pourquoi le cacherais-je ? J'aime depuis ma plus tendre enfance Louis-Claude Daquin ; et le réentendre fait surgir à ma mémoire des souvenirs tous liés à la joie, au bonheur enfantin … je ne sais pas si la registration des œuvres d'orgue interprétées était mentionnée par le compositeur, mais j'aime tous ces jeux d'anches et de flûtes ; je les associe volontiers à la joie de vivre, à la nonchalance voire l'exubérance des 17/18ème siècles. Ils suggèrent un art de vivre, une façon de concevoir la vie … On me dira que les organistes ont l'habitude de trouver la registration la plus adéquate aux œuvres à interpréter, mais dans ce concert, allez savoir pourquoi j'y ai été particulièrement sensible !
J'ai beaucoup aimé aussi l'oeuvre de Messiaen ! Redoutable que l'épreuve du temps ! Force m'est donc de reconnaître qu'Olivier Messiaen résiste très bien à cette épreuve. On aurait pu penser que la musique d'Olivier Messiaen passerait avec le temps, mais cette œuvre nous démontre tout le contraire ; au style, tant harmonique que rythmique qui marque l'époque de la seconde moitié du 20ème siècle, vient s'ajouter une suite tout aussi novatrice, ouvrant à la musique des perspectives dans lesquelles se sont engouffrés de jeunes compositeurs. La vitalité d'Olivier Messiaen ne s'est pas arrêtée aux années 1980, et l'oeuvre présentée  « les Bergers » extrait de La Nativité, montre à quel point elle est encore d'actualité.
Malheureusement, je me suis terriblement ennuyé dans la seconde pièce d'orgue présentée en seconde partie :  « Variations sur un Noël » de Marcel Dupré ! Et ce n'est pas le recours au jeu « Voix céleste » qui aurait pu me la faire apprécier, moi qui ne peux souffrir ce jeu tant il est représentatif de l'art et de l'esthétique Saint Sulpicienne, que j'abhorre !
Mais « de gustubus et coloribus » …
Il n'empêche que dans les quatre pièces d'orgue interprétées, nous avons pu nous rendre compte du réel talent de l'organiste, talent qu'il a su mettre au service de ce choeur nouveau pour lui.
Quelques petites choses néanmoins, et dont je ne suis pas sûr que la seule piètre acoustique en soit la responsable ; une soprano qui prédominait, sans doute nouvelle dans le choeur et qui n'a pas encore su intégrer le pupitre et se fondre en lui … défaut qui se corrigera naturellement ! Petite chose encore ? La toute dernière pièce de Francis Poulenc, celle qui terminait le concert ; j'ai eu l'impression que les choristes se cherchaient, et ce dans une justesse parfois très relative ; œuvre difficile sans nul doute, et peut-être non totalement maîtrisée ? Qui pourrait leur en vouloir, quand on sait que l'Ensemble a monté ce programme en deux petits mois !
Petites choses, mais par ailleurs tellement de grandes choses !
A commencer par la première pièce, le motet « O magnum mysterium » de Tomas Luis Da Victoria. Il donnera l'exacte mesure de ce dont est capable l'Ensemble. La précision des départs et attaques, la fusion des pupitres, le sens de la nuance, et la maîtrise parfaite de l'oeuvre jusqu'à ce rythme ternaire en fin de pièce. Là on pouvait se moquer de la mauvaise acoustique, car connaissant l'oeuvre ou pouvait deviner derrière l'imperfection de l'acoustique, le réel talent du choeur.
Même chose aussi pour les deux pièces qui ont suivi « O magnum mysterium » de Giovanni Pierluigi Palestrina, et « Videntes stellam » de Roland de Lassus. Le premier m'a surpris ; il n'est pas évident de conduire musicalement six voix ensemble ; les imbrications des différentes phrases sont encore plus délicates à mener, et requiert tant du chef que des choristes une attention qui ne doit jamais se relâcher, sinon c'est la catastrophe assurée ! Là nous avons eu la démonstration qu'entre ce nouveau chef et le choeur, une osmose s'établissait, osmose déjà réalisée à l'intérieur du choeur !
A dire vrai je ne m'attendais pas à de grandes surprises dans ces deux pièces, puisque dès la première œuvre du concert, j'avais pu juger de la qualité de l'interprétation.
Par contre j'attendais avec une certaine curiosité la dernière pièce de la première partie, le « Hodie Christus natus est » de Sweelink. De ce compositeur, j'ai déjà eu l'occasion d'entendre comme de très nombreux mélomanes, les œuvres pour clavecin ou orgue ; par contre de lui, comme compositeur vocal, j'ignore tout ! Et pour une surprise c'en fut une ! Une structure parfaitement restituée avec cette insistance sur un mot clé, « Hodie » qui à quatre (ou cinq, je ne sais plus, je n'ai évidemment pas pensé un instant à les compter !) reprises relance le discours musical et fait avancer l'auditeur dans le cheminement musical ; alors oui, chapeau au travail de ce choeur qui a réussi à retranscrire si bien et l'atmosphère, et la structure musicale de ce motet.
La dernière partie m'a laissé davantage sur ma faim. Je ne reviens pas sur mes doutes quant à la dernière pièce de Francis Poulenc.
Mais les trois autres. Elle se voulaient l'exact miroir des œuvres présentées en première partie ; et à juste titre, puisqu'elles reprenaient les termes identiques des mêmes textes latins. Il était donc très intéressant de pouvoir comparer comment on a su au 17ème siècle et au 20ème siècle traiter du même sujet.
Et à ce niveau j'ai été très gêné par l'acoustique ; car autant dans une oeuvre Renaissance ou baroque, notre mémoire musicale a suffisamment intégré la grammaire et la syntaxe musicales pour pallier une insuffisance acoustique et entendre intérieurement ce que l'extérieur nous empêche. Ce qui explique qu'on a pu juger impartialement de la première partie. Par contre ce même travail est impossible (tout au moins pour un amateur comme moi) à effectuer pour une oeuvre de musique moderne et contemporaine ; à moins, évidemment de connaître au préalable l'oeuvre interprétée. Ce qui n'était malheureusement pas le cas ; je découvrais donc l'oeuvre de Poulenc, et ne pouvant distinguer tout ce qui en fait la richesse (je pense en particulier à ses harmonies qui m'ont toujours émerveillé), je me suis senti frustré de ne pouvoir l'apprécier à sa juste valeur. J'ai bien deviné la richesse que m'en proposait le choeur … mais hélas, à l'impossible nul n'est tenu ! Et l'obstacle de l'acoustique a été bien plus puissant que tout l'art et la bonne volonté du choeur !
En tout cas, si j'avais pu nourrir un seul instant le doute sur l'avenir d'AVSA, ce concert l'a définitivement balayé : le choeur a à sa disposition un excellent chef, et le chef peut compter sur un très bon choeur,
Enfin il y avait aussi une troisième raison, mais très secondaire : ayant programmé cet ensemble pour le dixième festival de musique ancienne de La Richardais, je voulais m'assurer que non seulement mon choix était judicieux, mais qu'il promettait pour les spectateurs de ce Festival. J'avais fait venir cet ensemble il y a 6 ou 7 ans au festival de musique ancienne de La Richardais, mais avec ce concert d'hier, j'ai pu mesurer les progrès qu'il a accomplis depuis ; et comme vous avez pu vous rendre compte de tout ce qui précède, ce concert augure bien de celui qui aura lieu en juillet prochain à La Richardais. Mais en attendant, si l'occasion se présente pour vous d'entendre cet ensemble, alors ne la ratez surtout pas : vous le regretteriez !

Manif. du 9 avril à Rennes

Jeudi 9 avril, place de la mairie de Rennes, vers 11h.

Combien étions-nous à être rassemblés pour protester à l'appel de quelques organisations syndicales, contre la politique d'austérité du gouvernement ?

             

A première vue entre 2 et 3 mille, ouest-France comptera 2.500.

Peu importe, le fait est, et c'est la seule chose qui importe, c'est qu'étant donné le malaise profond de notre société, on aurait pu penser qu'il y aurait beaucoup plus de citoyens concernés ! Il faudra analyser en profondeur ce repli sur soi du citoyen et sur le fait qu'il ne croit plus aux solutions collectives, préférant la débrouille personnelle.

            

J'aime ces moments du rassemblement. Prélude à la manifestation proprement dite (défilé dans les rues), c'est le moment par excellence où l'on retrouve les camarades, ceux avec qui l'on travaille, bien évidemment, mais surtout les autres : ceux dont l'activité est différente, mais qui subissent les mêmes difficultés ; j'aime partir à la découverte des ces autres, surtout de ceux qui se signalent par des pancartes originales, qui font preuve d'un esprit créatif. Alors avec ceux-là j'affectionne de parler, de discuter, même si l'on n'est pas entièrement d'accord et sur tout ! Quelle serait monotone la société à la pensée unique !

J'ai fait deux ou trois fois le tour du rassemblement, recherchant vainement cette pointe d'originalité, ce piment qui rend encore plus justes tous les motifs de cette grève, tous les slogans que les « officiels » savent balancer avec force sono.

Quelle monotonie, malgré quelques tentatives individuelles de montrer son propre désarroi !

  
          

                    

Il y avait bien et à foison, les bannières des différents syndicats ! Oriflammes qui servent pour chaque manifestation ! Drapeaux qui délimitent chaque frontière ! Couleurs vives, bouquets d'espérances toujours reportées.

     
   

                

                  

Je me suis senti malheureux, orphelin de ces grandes manifestations qui ont peuplé l'ère Chirac et Sarkozy ! Le peuple syndiqué savait prendre la parole, savait l'exprimer par des dessins si proches de ce qu'on a appelé, tout récemment, avec une immense hypocrisie, l'esprit Charlie.

     

                 

           

Et je l'ai été encore plus lorsque j'ai entendu le secrétaire de FO (je crois) se référer à un passé les années 90 (celui de Marc Blondel et de Louis Viannet). Etaient-ce le lieu et le moment de parler des appareils : n'était-ce pas un moyen de masquer la propre incapacité de ces syndicats à mobiliser ? N'était-ce pas, hélas, aussi une façon de décourager toute initiative qui ne viendrait pas de la hiérarchie syndicale ?

Ah si, j'allais oublier les formules incantatoires, celles qui ont pu faire mouche, et auxquelles on se raccroche, comme en une ultime planche de survie : appel à la grève générale illimitée (cela m'a rappelé ce professeur de droite qui, dans mon lycée, a toujours refusé de participer à nos mouvements de grève au prétexte que si la grève n'était pas illimitée, elle n'apporterait rien !), appel à des réunions sur les lieux de travail (comme si cela n'était pas déjà le cas !)

Et pourtant !

L'actualité est pourtant bien là pour nous rappeler la sauvagerie du capitalisme, où qu'il se situe (Car paradoxalement, cette formidable idée qu'a été l'internationalisme prolétarien n'a jamais pu être réalisée, alors que le capital a su, et ce depuis longtemps, s'organiser en dehors de tout cadre national !)

                

Quelques drapeaux grecs, pour mieux souligner que la solidarité entre les peuples ne doit pas être un vain mot, et histoire aussi de nous faire réfléchir à ce qui a amené les Grecs dans une telle situation : à nous de tirer les leçons de leur très cruelle expérience.

Mais pourquoi n'étaient-ils présents qu'à côté de SUD, les autres syndicats, CGT, FO auraient-ils eu des réticences ?

Il y avait aussi des représentants de l'entreprise MORY ; ces salariés, plus de 2000 qui vont être livrés au chômage ! Etrangement, eux non plus n'ont pas été intégrés dans les cortèges syndicaux, relégués qu'ils ont été en queue de la manifestation.

      

                  

Je ne me suis pas senti le courage de m'associer au défilé ; j'ai repris mon vélo, et seule l'amertume, où affluaient tant et tant de souvenirs de manifestations ludiques et conviviales, a guidé mon retour.

 

 

Baroque … et vous ?

 C'est ainsi que la 3ème édition du « Festival de musique baroque de Rennes » nous interpellait. Et comment ne pas répondre à une telle invitation au vu du programme alléchant du premier concert.

Idée passionnante que d'explorer cette époque de la musique, non pas les grandes créations (opéras, motets etc … ) mais bien ces œuvres données dans les salons essentiellement parisiens. Les compositeurs ne manquent pas et c'est un régal que d'entendre en concert ces pièces trop peu souvent exécutées en public.

Séduisante cette idée, et la réalisation le fut tout autant.

Le traverso n'a certes pas le brillant de la flûte moderne en métal, mais les œuvres de Boismortier seraient inimaginables avec cette dernière ; le velouté du traverso donne un charme tout particulier à ce compositeur, et grâce à lui, on ressent encore plus l'exquise préciosité de la première moitié du 18ème siècle français.

On a la même délectation avec les « Concerts des Pièces de clavecin en concerts » de Rameau. Les parties du violon baroque donnent la pleine mesure de cet instrument. Rien à voir avec le clinquant du violon moderne, qui, dans cette musique, serait complètement inapproprié. J'aime ce côté un peu mat du violon baroque ; il ne met que mieux en lumière ce jeu de cache-cache auquel se prêtent avec une délicieux complicité les instrumentistes ; on saisit encore mieux toute l'ossature de ces pièces, ossature pleine de finesse et de subtiles surprises.

Intéressant de constater que si les deux sonates de Boismortier portent déjà en elles par leurs trois mouvements, le schéma de la grande sonate classique et romantique, par contre les pièces de Rameau reprennent un genre déjà mis en lumière à la fin du 17ème siècle, celui du portait musical ; elles portent le nom d'un personnage ou d'une personnalité censée être connue des auditeurs de l'époque. Ce qui frappe alors, c'est bien ce fait étonnant que nous sommes capables d'apprécier cette musique, sans même savoir ce qui a pu faire la réputation des personnes auxquelles elle se refère. Curieusement, on passe peut-être à côté de clefs importantes pour la compréhension de ces œuvres mais en même temps la musique nous fait pénétrer avec force dans cet univers totalement inconnu. Comme il serait passionant de pouvoir faire la comparaison musicologique entre cette musique descriptive et l'objet de la description !!!

Clin d'oeil des programmateurs, l'une des pièces de Forqueray porte précisèment comme titre le nom du claveciniste qui nous a régalés tout le long de ce concert !

Une pièce dont je ne connaissais même pas le nom du compositeur, Morel, m'a impressionné : sa chaconne.

C'est un genre qui m'a de tout temps séduit, par cet art qu'il a de manier à partir d'une basse obstinée toute une série de développements ; dans toutes les chaconnes que j'ai entendues, on attend toujours la modulation mineure, rare moment d'une trompeuse nostalgie avant le grand retour du majeur et de la coda finale. Mais Morel a poussé le raffinement un peu plus loin, se permettant même d'interrompre la basse cntinue du clavecin pour introduire à deux reprises, une petite diversion, une espèce de commentaire de l'oeuvre à l'intérieur de l'oeuvre elle-même par le seul violon et viole de gambe. Suggestion de ces apartés qui ne manquaient sûrement pas d'avoir lieu dans ces salons où régnait la musique !

Avec quelle impatience n'attendais-je pas « La sonnerie de Sainte Geneviève du Mont de Paris » de Marais !

Il y a un côté fascinant dans cette répétition incessante du même leit-motiv reprenant le carillon ; et comme avec la chaconne les non-moins surprenantes interventions du violon brodant comme dans une improvisation toujours autant inspirée.

Concert au programme séduisant, mais rendu possible aussi par l'intervention de musiciens dont on aura admiré l'art.

Les deux dessus, flûte traverso (Delphine Leroy) et violon baroque (Ursula Garnier), la basse de viole (Matthieu Lusson) et le claveciniste (Pascal Dubreuil) ne sont plus à présenter, on connaît la parfaite maîtrise qu'ils ont de leurs instruments, et c'est chaque fois un régal que de les entendre. A cela, il faut aussi ajouter et mentionner ce sens de la musique de chambre qu'ils ont : ce n'étaient plus quatre individualités mises côte à côte, mais une seule personne au service de la musique.

Quel bonheur !

 

Andrea Segre : La Petite Venise

 

Il y a très longtemps que je n’ai assisté à un si beau et émouvant film.

Bien sûr le cadre ! Quoi de plus enchanteur a priori que la lagune de Venise !

Sauf qu’ici on est dans tous les domaines, à l'exception de celui touristique : à telle enseigne que les quelques photos de la Venise touristique (et en particulier le pont du Rialto) sont ternes, fades, indignes même du premier amateur venu, comme pour mieux nous montrer que la vision carte postale de Venise, ce n’est absolument pas le sujet de ce film et que la grandeur de ce film et de son cadre est à chercher ailleurs.

Alors là, on est servi … et de quelle manière.

Le résumé est éloquent : on le savait ou tout au moins on s’en doutait, mais filmée, cette réalité devient encore plus oppressante ! Li, ouvrière chinoise, est envoyée, sans qu’on ne lui demande son avis, à Venise, comme barmaid ; elle y restera tant qu’elle n’aura pas remboursé ce voyage qu’on lui a imposé ; c’est dire l’emprise que ses patrons peuvent avoir sur elle, d’autant qu’ils ont une arme redoutable de chantage : elle est mère d’un petit garçon de huit ans qui est resté en Chine, et si elle veut qu’il puisse la rejoindre … alors… elle sait ce qui lui reste à faire.

Son malheur veut qu’elle se lie d’amitié avec un vieux marin pêcheur, Bepi, qui a l’âge d’être son père ; originaire de Yougoslavie, mais implanté en Italie depuis plus de trente ans, il est aussi poète à ses heures. Mais voilà ses copains, dont un certain Coppe, voient d’un très mauvais œil cette amitié naissante : sait-on elle s’arrêtera ? Du reste les Chinois ne sont-ils pas en train de coloniser l’Italie (ce discours n’est absolument pas inventé, on l’a entendu tant de fois chez les Vénitiens, et il est l’un des leitmotiv des mouvements de droite et d’extrême droite du Nord de l’Italie !) ?

Les patrons chinois d’une part et les copains vénitiens d’autre part, l’amitié entre Li et Bepi devient alors absolument impossible ; Li sera même transférée dans une usine chinoise de confection de la banlieue industrielle de Venise. Mais, une énigme son fils la rejoint, sans qu’elle ne réussisse à savoir qui a payé pour cela …

Bepi ira chez ses enfants à Mestre, et se laissera mourir de chagrin. Et quand Li, à la recherche de Bepi, rencontrera Coppe, il lui apprendra la triste nouvelle en même temps qu’il lui confiera une lettre de Bepi.

Quant à la fin …

Film bouleversant : d’une immense pudeur, il y a si peu à dire, mais les silences, les arrêts sur image sont tellement éloquents. Amitié impossible non parce que Li et Bepi sont  d’origine culturelle très différentes, mais bien parce que leurs communautés respectives s’y opposent au nom même de leur propre survie. Et ce conflit que les deux protagonistes intériorisent va les submerger. On glisse imperceptiblement de l’anecdote, du simple reportage, avec des scènes truculentes dans ce bistrot de Chioggia, à une atmosphère dramatique, celle qui va laminer totalement ces deux êtres que l’on a d’emblée pris en totale affection.

La technique cinématographique suit alors parfaitement cette évolution ; on l’a vu avec les images de Venise (cf. plus haut), mais il y aura ces ciels lumineux particuliers lorsque l’amitié entre les deux héros va se révéler le plus intense ; il y aura aussi le trouble de chacun des deux protagonistes qu’accompagnera cette aqua alta (phénomène de marée à fort coefficient) qui va inonder le bistrot ; de même que l’on peut retrouver toue une symbolique dans ces photos de brouillard ou de Chioggia de nuit.

Comme je suis gré au réalisateur de nous avoir épargné aussi les photos touristiques de cette ville ! et même si on a quelques vues panoramiques, (dans l’une d’entre elles, au premier plan ces gigantesques travaux entrepris depuis deux ans en vue de combler une petit canal de la ville) on voit surtout la zone portuaire des grands chalutiers, et tous ces cafés qui bordent ce quai…

Comme je suis aussi gré au même réalisateur de nous avoir fait entrevoir cette île de Pellestrina, avec sa plage côté mer, où je n’ai jamais vu de touristes, et tellement propice à la méditation : les scènes d’une compatriote de Li faisant du Tai-chi sont elles-aussi suggestives et d’une force étonnante.

Pellestrina aussi côté lagune, avec ses cabanes de pêcheurs au milieu de l’eau ; elles m’ont toujours semblé mystérieuses, et elles se révèlent ici si simples, cadres ordinaires d’une vie ordinaire de travail dur.

Oui, vraiment un très beau film qui met l’humain au centre de toute son action et de sa réflexion ; rares sont les films qui atteignent un tel degré d’émotion.

 

 

Terraferma d'Emanuele Crialese

Emanuele Crialese : Terraferma

 

Très régulièrement à la une de l’actualité, ces désespérés de lointains pays qui tentent de rentrer en Europe via l’Italie ; deux points de fixation, la côte du sud-ouest avec Bari, et la petite île de Lampedusa au sud de la Sicile. On a tous en tête ces images pathétiques où, sur de misérables embarcations, s’entassent par dizaines ces êtres en quête non d’un Eldorado, mais seulement d’une terre qui leur assurera de ne pas mourir de faim.

On s’en émeut, le temps de laisser s’estomper ces visions, et on les oublie.

Notre bonne conscience d’européens, nantis quoi qu’on le dise et quelle que soit la réelle misère que connaissent nombre de nos concitoyens, s’endort à nouveau jusqu’ à …

Et puis tout à coup, un cinéaste se met non pas à imaginer, mais seulement à raconter, mais pas à la manière d’un journaliste à sensation, non, avec toutes les ressources que son art peut lui donner, et il nous livre « Terraferma » !

Bien sûr qu’on est bouleversé : comment ne le serait-on pas devant cette femme qui va accoucher juste après avoir été recueillie par des pêcheurs ? ou encore devant ces images d’africains qui, après un naufrage, tentent en pleine nuit de rallier à la nage une côte ? ou enfin devant ces corps d’africains qui arrivent sur la plage, au beau milieu de touristes qui vont alors se porter à leur secours ?

Mais derrière cette réalité poignante au possible, toute cette réflexion qui s’impose.

La plus évidente : la loi sacrée de la mer ! On n’abandonne pas un naufragé (on comprend mieux la fin du film, le jeune pécheur adulte qui n’a pas su la respecter, et qui pris de remords va essayer de se racheter en tentant de faire fuir une immigréeet ses des enfants !) Pour toutes les civilisations, du moins celles issues du bassin méditerranéen, le naufragé est par excellence, la représentation de la notion de secours, et de « charité » que l’on doit porter à autrui. C’est aussi pour cette raison que les quelques villages qui ont, en Bretagne, hébergé en leur sein des naufrageurs, étaient bannis de la communauté.

Alors si la Loi, celle édictée par les autorités, est contraire à la loi de la mer, alors il n’y a pas à tergiverser : il faut s’y opposer et continuer à apporter secours à qui vient de façon si cruelle le demander. Et aucun impératif ne serait-ce économique ne saurait prévaloir ; notre île aura mauvaise réputation, cela lui fera une très mauvaise publicité et ne viendront plus les touristes dont nous avons besoin pour vivre ? Eh bien tant pis, notre morale doit primer. Quitte aussi à s’opposer aux représentants de la loi : comme ils sont égratignés, non comme individus, bien évidemment, mais comme fonctionnaires chargés de faire appliquer les nouvelles règles : exemplaire la double confrontation entre le grand-père et l’officier des carabinieri : la première fois, lorsqu’il vient se saisir du bateau au prétexte que les papiers ne sont pas en règle ; et la deuxième fois encore plus symbolique, lorsque devant le commissariat (un bien grand mot !) les marins pêcheurs ont abandonné toute leur pêche en guise de protestation.

C’est ce conflit, exacerbé à l’extrême, que vont vivre Giuletta, dont le mari, marin pêcheur a disparu en mer, et son fils Filippo. Tandis que le grand-père lui ne se pose aucun problème : il a la force d’une conviction ancrée dans la nuit des temps… à l’opposé de son autre fils qui lui profite parfaitement du nouveau modèle économique qui s’installe et que représente parfaitement l’industrie du tourisme … la scène de « danse » sur la vedette qui fait visiter l’île en étant une satire … et pourtant d’une réalité incontestable.

A une telle force de réflexion où la violence est omniprésente, il fallait une expression artistique aussi exemplaire.

Comment ne pas être séduit par l’utilisation de la mer : photos sous-marines, gros plans, séduisants par leur évocation de l’étrange (jeu dans les filets) ou par leur suggestion, le débris d’un bateau africain qui a fait naufrage !

Que dire aussi de ces gros plans : le summum étant cette confrontation entre Giuletta et l’africaine ; aucune parole, seulement deux visages, qui expriment bien plus que toute ce qu’elles pourraient se dire entre elles. Elles se parleront, mais juste quelques mots ; et leur étreinte finale vaut tous les longs discours …

Savoir aussi saisir l’essentiel sans l’alourdir par d’inutiles détails ; la société de consommation des touristes, elle est là, mais en quelques images fortes : la nuée (la contre-plongée devient alors un redoutable moyen !) de touristes qui sort du ferry, ou encore Filippo comme plagiste d’un moment, le temps d’ouvrir un parasol et d’encaisser les vingt euros…

On pourrait multiplier à l’infini cette technique du petit détail qui résume le tout, et cela donne beaucoup plus de force aux scènes principales et largement développées : opposition entre deux mondes : la scène du scooter, et la scène de l’assemblée des « sages » ou la scène de la séquestration du bateau. Le doute : la scène de nuit où Filippo est obligé de taper sur les africains surgis et qui veulent monter sur sa barque, risquant de la faire chavirer. La soumission à la volonté de la mer : la procession en mémoire du fils du grand-père …

Un très beau film à ne pas manquer, où que vous soyez, car dans un monde où la xénophobie et la crainte de l’autre montent de plus en plus, il offre la possibilité d’opposer la force de la réflexion.

PS : outre les autres personnages, les trois principaux méritent une mention toute particulière : Donatella Finocchiaro, dans le rôle de Giuletta, son fils, Filippo Pucillo, et le grand-père, Giuseppe Fiorello.

 

 

Gli equilibristi (Les équilibristes) : Ivano de Matteo, un néo-réaliste ?

On peut savoir gré aux organisateurs de Filmissimo 2013 (festival du cinéma italien de Rennes) d’avoir programmé en ouverture ce film sorti en Italie en septembre dernier et qui ne devrait être distribué en France qu’à partir de mai-juin prochain.

Le réalisateur Ivano de Matteo n’a pas choisi la voie de la facilité, car le sujet traité fait partie de ceux qui non seulement sont particulièrement étudiés par de nombreux sociologues, mais qui peuvent tomber tellement facilement dans le larmoiement et la sensiblerie de bas étage.

De quoi est-il donc question ?

Une femme, Elena, découvre une ancienne trahison de son mari, Giulio ; elle n’arrive pas à en faire son deuil et à lui pardonner, alors que cette liaison est finie depuis longtemps. Climat très tendu, et dont se rendent compte les deux enfants, un jeune garçon et une adolescente, Camilla.

Pour tenter d’échapper à cet étouffement, Giulio quitte sa femme et va tenter de résoudre l’impossible : avec un petit salaire (1200 euros) être indépendant, se trouver un logement, et réussir à survivre tout en subvenant en partie aux besoins de son ancienne famille. Evidemment il n’y arrivera pas, et ce sera la descente aux enfers : il en sera réduit à vivre dans sa voiture, et à fréquenter les associations caritatives. La fin est tellement prévisible !

Scénario pas évident donc, et magistralement servi par au moins trois acteurs : Giulio, Valerio Mastrandrea, Elena, Barbara Bobulova, et Camilla, Rosebell Laurenti Sellers. Tous les trois sont d’une étonnante justesse dans leur jeu et dans l’évolution de leur personnage ; Giulio qui pense résoudre ses problèmes et qui, en fait s’enfonce de plus en plus ; cette transformation manifeste dans les expressions de son visage est bouleversante ; à chaque étape de cette déchéance, le visage devient de plus en plus impénétrable (la scène du dîner de Noël raté en est un exemple frappant) et, fait étrange, la douleur morale de cette insupportable situation devient de plus en plus lisible.

Evidente aussi la transformation de Camilla ; cette incompréhension qui se fait jour de plus en plus vis-à-vis de son père, et qui va presque se transformer en haine, jusqu’à ce qu’elle découvre la cruelle réalité dans laquelle il se débat.

Quant à l’épouse, Elena, elle parcourt un chemin identique à celui de Giulio ; elle croit pouvoir se libérer de cette obsession de la faute de son mari qui l’a privée, elle de ce bonheur auquel elle a du forcément croire. Mais, elle se rend progressivement compte que le moyen choisi et accepté, la séparation d’avec Giulio, n’est qu’un leurre ; va s’imposer à elle comme une absolue nécessité, le grand pardon ; on s’aperçoit aussi de cette transformation non seulement par les paroles, mais encore par les expressions du visage.

Oui, vraiment de très grands acteurs.

Et dans quel cadre !

Rome ! Mais pas celle que connaissent tous les touristes ; certes, il y aura un gros plan (et un seul !) sur la façade de St Jean de Latéran, certes on pensera, à un moment donné, deviner Piazza Argentina et les forums républicains… mais pour le reste ?

C’est la Rome de la vie quotidienne de ceux qui travaillent et qui n’arrivent qu’à survivre qu’à force d’astuces, toutes plus douloureuses les unes que les autres. Et curieusement, il y a assimilation entre tous ces « paysages » urbains romains, décors de souffrances, et tous ceux que nous pouvons connaître dans nos grandes villes française ou d’ailleurs. Les halles, et ces travailleurs qui plient sous les efforts, ce bistrot lien de refuge et d’expression pour deux alcolos, ou encore cette dispute entre les mêmes alcolos, ou toujours ces guichets de fonctionnaires dont l’accueil n’est pas la qualité première … tout cela est tellement évocateur de notre monde.

Reste donc quand même l’essentiel, ce que ne disent pas les images, tout ce que sous-entendent quelques dialogues et tout ce que démontre l’évolution même des personnages et donc le déroulement de cette histoire : le drame humain lorsque le ressort de l’amour et la totale confiance qui l’accompagne est quelque peu écorné. La constatation est sans doute facile, celle exprimée par un rejeté de la société « Le divorce, c’est un luxe que les riches peuvent se payer, pas les autres » ; mais ce qui n’est pas explicite mais qui est manifeste c’est qu’il n’y a qu’une seule organisation possible de la société, celle que favorise et facilite le mariage ; pour le tout venant, hors du mariage, pas de salut ; et si vous n’avez pas le fric qui vous permet de vous affranchir de cette organisation, alors, oui, l’adultère, même momentané, sera une tâche que vous ne pourrez effacer.

Il y a bien une (parmi plusieurs) issues possibles, celle du grand pardon, et donc du retour au statu quo.

Mais à regarder de près ce film, il y a quelque chose d’autrement plus troublant derrière un certain nombre de scènes (toutes d’échec !) et de répliques (comme il sonne dur le « non, ce n’est pas normal » réponse du père à sa fille) : une constatation bien plus qu’une interrogation. A la main mise totale de l’économie (d’un certain type d’économie, il n’est pas difficile d’en retrouver l’exploitation capitaliste) correspond inéluctablement un certain type d’organisation sociale (le mariage, et il est exclusif !) ; les deux sont liés comme cul et chemise, et vouloir sortir de l’un, en l’occurrence du mariage, c’est se condamner à se marginaliser ; il ne faut surtout pas attendre ni du système économique ni du système politique qu’ils aient non pas de la commisération mais seulement la moindre solidarité vis-à-vis de ceux qui se marginalisent ainsi ; ils ne sont pas fous, ils se remettraient directement en cause et couperaient cette belle branche sur laquelle ils sont assis. Ils peuvent admettre cette marginalisation de la part des riches, car elle ne prête pas à conséquence,  jamais les riches n’oseraient un instant remettre en cause, économiquement, ce qui fonde leur richesse.

Mais les pauvres, les non fortunés, disons, alors là pas question : car ils seraient alors trop enclin à faire éclater la structure sociale et économique comme ils auront fait exploser celle familiale.

C’est alors là le sens du pardon, cette générosité qui n’en est pas réellement une mais qui est tellement pratique surtout … après tout ce n’est que l’évolution de cette fameuse alliance du sabre et du goupillon !

En tout cas, cette treizième édition de Filmissimo de Rennes commence très très bien ; il a le mérite de nous faire réfléchir bien au-delà des qualités mêmes du cinéma, et dans « les équilibristes » elles sont nombreuses (1). Et il semble bien que les films programmés participent aussi de cette réflexion ; alors que cette édition connaisse le succès qu’elle mérite !

 

(1)Il faudrait encore tant et tant de pages pour les analyser toutes, que je cède devant la difficulté de l’entreprise ; mais chacun saura les déceler et les énoncer sans doute bien mieux que je ne saurai le faire !

 

PS Pour plus amples informations voir au choix l’un de ces deux sites :

   www.arianova.com ou www.cinéville.fr

 

AVSA au service de la musique vénitienne !

AVSA : le bonheur de la musique italienne !

Et soyons plus précis, il s’agissait de cette période faste entre toutes, celle qui couvre un siècle : de 1550 à 1650.

Celle où Rome excelle avec un Girolamo Frescobaldi (ce Ferrarais qui travaillera aussi à Florence, au profit des Médicis : ils ont demandé à leur cousins romains de bien vouloir leur prêter ce génie …)

C’est aussi la grande période vénitienne, son âge d’or dans tous les domaines, de la peinture (après Le Titien, ce sont Véronèse et Le Tintoret qui en seront les maîtres incontestés), à la Musique (L’immanquable Claudio Monteverdi, mais auparavant les Gabrieli, Andrea et Giovanni).

Alors, voir réunis ans le même concert les deux Gabrieli et Girolamo Frescobaldi, pouvait-on espérer meilleur choix ?

Ah, je vous vois faire la fine bouche : AVSA (A Vous Sans Autre) ? Ce ne sont que des amateurs, ce ne sera que de l’à-peu près, et puis au Temple Protestant, quelle acoustique qui transforme tout en bouillie … et gnagnagna, et gnagnagna !

Bon d’accord ce ne sont que des amateurs et l’acoustique du Temple n’est pas des meilleurs, et alors où avez-vous vu que les amateurs ne sont capables que du mauvais et qu’une acoustique même mauvaise est obligatoirement synonyme de mauvais concert ?

Et quand bien même ce serait le cas, vous auriez alors constaté qu’hier soir ces clichés ont non seulement été battus en brèche, mais que nous avons eu droit à un très bon concert.

Pour clore le bec à ces grincheux, je dirais que, oui, il y a eu quelques petites imperfections, deux ou trois départs un peu limite au niveau justesse et assurance ; et alors ? Même les plus grands se trompent (j’ai en mémoire certaine formation prestigieuse se reprenant à trois fois pour terminer une pièce d’une suite de JS Bach et dans un prestigieux festival, les folles journées de Nantes !).

Mais à côté de ces quelques et minimes erreurs, que de belles choses nous ont été données à entendre, servies par un chœur au réel talent, et sous la direction minutieuse de Stéphane Guillou !

Son homogénéité ; je suis toujours gêné lorsque dans un chœur, il y a prédominance d’un pupitre sur les autres (que c’est insupportable, ces sopranos qui se prennent tout à coup pour des divas et qui écrasent toutes les autres voix !) ; je ne supporte pas non plus quand, dans un pupitre, une voix veut à tout prix s’imposer.

Mais écoutez AVSA : rien de tout cela, fusion totale entre chaque pupitre et à l’intérieur de chacun d’entre eux ; mais attention fusion ne veut absolument pas dire qu’on ne distingue plus chacun d’entre eux ; et c’est à cela alors qu’on reconnaît les vrais chœurs, quand dans une partition, chacun tenant sa juste place, on est capable de suivre le discours musical voulu par le compositeur et qui implique de fait des passages de voix à une autre, des mises en lumière momentanées, voire des oppositions : tout est dans cette sublime subtilité où la musique prend tout son sens, où l’architecture sonore devient lisible dans toute sa complexité.

Redoutable alors la musique vénitienne, ces chœurs de Giovanni Gabrieli ; et comme AVSA a su nous faire partager cette ossature quasi divine : par moments l’illusion était complète au point que je me suis cru à Venise, pourquoi pas à San Marco, placé entre les deux orgues des deux tribunes qui se font face et découvrir sa géniale invention stéréophonique. Ajoutez à cela cette autre qualité musicale d’AVSA, réussir à rendre toutes (enfin en très grande partie, car, malheureusement, n’ayant pas les partitions sous les yeux, je n’ai pu les repérer toutes !) les intentions musicales ; car c’est aussi l’un des grands apports de la musique vénitienne (et pas seulement, des madrigalistes comme Orazio Vecchi, Luca Marenzio ou Carlo Gesualdo le montrent admirablement) de l’époque : aux mots essentiels d’un texte sont attachés des figures musicales, un dynamisme tranchant qui doivent permettre de conjuguer sensations textuelles et musicales. Et cela hier, nous l’avons parfaitement entendu, pour notre plus grand bonheur.

Reste la place de l’orgue.

Je ne suis pas certain que le faire systématiquement accompagner un chœur soit une nécessité ; certes on peut penser qu’il s’agit là d’un confort supplémentaire pour les chanteurs … encore que : dans une acoustique (et c’est là où elle rentre en jeu) un peu trop généreuse, le son de l’instrument peut prêter, virevoltant et ayant tendance légèrement à monter, à erreur pour les chanteurs (ce qui me semble aussi expliquer les deux ou trois petites imprécisions de départ !) ; et puis musicalement, c’est peut-être en rajouter plus que nécessaire ; et si dans les parties d’une messe cela passe très bien, surtout en ce qui concerne la messe en fa d’Andrea Gabrieli avec ses nombreux passages verticaux, et donc remplissant au même moment l’espace sonore, par contre dans les chœurs, je suis un peu plus dubitatif ; et on s’en est bien rendu compte lors du premier bis, un chœur (j’ai oublié le titre) de Thomas Thalis, où a capella on a eu la réelle dimension chorale d’une œuvre (ce que après coup, j’aurais aussi aimé pour les deux autres chœurs de Giovanni Gabrieli et celui de Peter Philips (un véritable joyau que son « Exsurgens Maria ».)

Mais heureusement la place de l’orgue ne se cantonnait pas à celle d’accompagnement, et pascal Tufféry, jeune organiste, plein de talent, nous a offert un « récital » frescobaldien de toute beauté ! Oh qu’il est complexe ce Girolamo Frescobaldi, mais bon sang, quel sens de la construction sonore, quel art du déroulement musical, le tout dans une époustouflante virtuosité. Remarquable !

L’Ensemble AVSA a vraiment sa place dans l’univers musical rennais (et espérons pour lui, pas seulement rennais !) et il serait dommage qu’il n’ait de renommée que confidentielle, car il mérite bien plus que l’hommage de la soixantaine d’amoureux de la musique que nous étions hier à l'entendre.

 

 

 

Jeff Sourdin : courage, cela peut venir !

Jeff Sourdin : Le clan des poissards

 

Dans notre bonne ville de Rennes, quatre copains, « Trotsky » ainsi appelé par transformation trop facile de son nom de famille, Sam, Mitch et « le Cid » : ils se sont connus à l’Université, et ont une  passion en commun : l’amour du football et en particulier de l’équipe de Rennes, dont ils suivent avec ardeur les matchs. Leur particularité ? Chacun dans un domaine propre n’arrivera à « réussir », la répulsion de Trostski pour le travail, Sam, le poète, qui ne sait retenir les jeunes filles et femmes, Mitch, le séducteur, qui est largué par les femmes, et en particulier son premier grand amour, et le Cid, qui, après avoir entamé une carrière fulgurante en informatique, se fait « bouffer » par plus gros que lui !

Ce seront donc eux le clan des poissards, ceux qui portent avec eux la poisse. Et l’on va suivre leur évolution  de 2000 à 2008.

L’idée est fort sympathique ; elle est même bien rendue avec un humour qui sait parfois être décapant, par une certaine lucidité sur le monde du travail entre autres. Malheureusement, il est difficile d’être génial d’un bout à l’autre ! et notre auteur, malgré toute sa bonne volonté, malgré toute la peine qu’il y met, malgré aussi quelques sursauts, a vite fait le tour de la question, mais, il ne peut rien, son idée lasse ; et à partir du moment où l’on commence à se dire (à peu près vers la 150^e page) vivement la fin, alors, il n’y a guère plus d’intérêt ; même le devenir des quatre protagonistes ne suscite plus de curiosité.

Dommage, car, malgré les « méchancetés » que je viens de dire, ce roman ne manque pas de qualités.

A commencer par le cadre, Rennes, son évolution urbanistique en autres, avec sa transformation par le métro, ou encore l’emprise des constructeurs immobiliers sur le politique ; tout est actuel, et dénote de notre écrivain, un sens réel de l’observation et de l’analyse dont il est capable.

Il y a aussi l’œil qu’il arrive à porter sur notre société : très intéressants sont ces jugements sur le travail ! Quelle en est d’abord la finalité ? Travailler pour gagner des sous, pour vivre, et vivre comme des riches (n’oublions pas ce slogan que Trotski a le courage d’écrire dur un mur d’une construction en cours « Les RICHES sont une GENE éternelle » !) à quoi bon si l’on n‘est pas capable de goûter les plus brefs instants de la vie, et de les transformer en instants éternels. D’où cette autre réflexion sur la notion même du temps !

Quant à la réalité du travail, l’expérience du travail intérimaire est là pour nous montrer que loin d’être exaltant, le travail obéit à des règles impérieuses d’aliénation. Et quant, par hasard, il peut arriver que le travail soit source de plaisirs, voire d’ « éclatement » (comme on dit maintenant) la société est là pour nous remettre dans le droit chemin et nous montrer que ce n’est pas là la juste conception du travail : la mésaventure du « Cid » est à cet égard, riche d’enseignements.

Il ne faut pas oublier dans les qualités de notre auteur, la manière dont il aborde le sujet féminin et de la sexualité ; rien de pervers, de vicieux, mais au contraire quelque chose de très sain, de frais … ah, l’amour !!!

Tout le mal qu’on puisse donc souhaiter à cet auteur dont c’est le second roman, c’est que pour le troisième et les autres à venir, il arrive à se débarrasser définitivement de ses défauts, pour que ne mieux garder et amplifier toutes ses qualités !

 

PS Edition La Part Commune, 2012, 215p., 16€

Messa di Voce invite J.H. Schein au Lycée Zola de Rennes !

Quelle heureuse idée ont eue les responsables d’AMELYCOR (Association pour la mémoire du Lycée et Collège de Rennes) de programmer dans le cadre de leurs activités culturelles du Jeudi soir, l’Ensemble vocal « Messa di voce »… et dans un programme qui, musicalement, n’est pas des plus faciles : « Israelsbrünnlein » de Johann Hermann Schein (1586-1630).

Il s’agit de faire un portrait de l’Israël de la Bible, en quelques 26 pièces vocales, reprenant souvent la forme madrigalesque italienne. Ces pièces étaient originellement conçues pour petit ensemble vocal et à capella. Compte-tenu de l’importance de l’œuvre, Messa di Voce a préféré ne choisir que 13 des pièces et aussi se faire accompagner par un orgue positif. De plus, deux pièces instrumentales ont coupé cette suite, après les 4^ème et 8^ème pièces vocales.

Redoutable épreuve pour les voix que de maintenir pendant près d’une heure la même tension musicale ; il faut même avoir un sacré culot pour se lancer dans une telle entreprise, où on risque plus de faillir que d’exceller.

Messa di voce a réussi cette gageure ! D’abord par le timbre de ses voix ! Preuve de travail et de patience, cet ensemble de cinq solistes possède une réelle homogénéité, chacun sachant, selon la partition, se mettre en relief, juste comme il faut. On a aussi l’habitude, et c’est normal, c’est inscrit dans les partitions de l’époque, de faire la part belle à la soprano ou au ténor, le basse se distinguant par l’élégance de l’assise qu’il donne à l’œuvre. On néglige le rôle, trop souvent ingrat de « remplissage » harmonique de la voix d’alto ; et Schein n’échappe à cette règle, mais il sait aussi confier de très beaux passages à cette voix ; et nous avons pu suivre parfaitement ses lignes mélodiques, les autres voix sachant s’effacer.

Belles voix en parfaite harmonie, mais aussi quelle musicalité, ou plutôt quelle intelligence du texte ! non pas le texte écrit (je ne comprends pas un traitre mot d’allemand), non je veux parler du texte musical ! Point n’était besoin d’avoir la partition sous les yeux, pour en suivre les subtilités, les réponses entre les différentes voix ou encore toutes ces lignes verticales dévoilant alors toutes les capacités musicales recelées par la forme populaire des chorals ; ces nuances, non pas celles tapageuses que n’importe quel criard est capable de faire, non celles toute en finesse, où un piano en un vraiment un et sait s’opposer à un vrai forte ; les variations de rythmes, ces alternances encore chéries à l’époque de Schein, (héritage du 16^ème siècle italien en particulier, mais pas seulement !) entre un binaire et un ternaire : quand le texte musical est ainsi restitué, tout naturellement, alors il devient un véritable délice…  et puis encore une fois ces tierces picardes (il s’agit de cette fameuse tierce majeure qui termine la pièce !) ; ne me demandez pourquoi j’ai un faible pour elles ; c’est aussi une (entre de nombreuses autres !) caractéristique de cette époque, je ne connais pas de façon plus lumineuse pour terminer un texte musical. Vous dire alors comme je me suis régalé, surtout, que cerise sur le gâteau, dans au moins deux pièces, la tierce picarde finale est annoncée par la même quelques mesures auparavant … vous savez comme le parfum précède la sauce ou le vin que vous vous versez … et après cela qui dira que la musique n’est pas un plaisir des sens ?

Certes, il y a bien eu quelques petites erreurs, que nous n’avons pas discernées ou si peu à l’écoute, mais ce sera encore une fois le privilège du vivant sur l’enregistrement, ce qui rend encore plus fascinante la musique puisque vraiment à l’échelle humaine.

Merci donc à AMELYCOR, de nous avoir régalé d’un si beau concert !